Tout le monde s’inquiète à juste de titre de l’avenir de la SSR mais les médias consacrent peu de place aux menaces qui pèsent sur une autre institution nationale, l’Agence télégraphique suisse. La principale agence de presse helvétique est engagée dans une restructuration qui aboutira à la suppression de 20% de ses effectifs, soit une quarantaine de postes sur un total de 180.
Une mesure incompréhensible, nonobstant les prétextes économiques avancés, car elle se situe en contradiction avec l’esprit de l’aide fédérale octroyée l’an dernier. La Confédération, qui est aussi un client très important de l’ATS, a décidé de lui accorder une subvention annuelle de 2 millions de francs. Ce faisant, elle reconnaît pour la première fois de facto une mission publique à l’ATS, dont le statut est celui d’une SA.
Créée en 1894 par un collectif de journaux helvétiques, l’ATS répondait à la volonté de s’affranchir de l’information diffusée par les grandes agences étrangères. Sa vocation est donc clairement nationale. Le correspondant de l’ATS à Lausanne n’écrit pas en premier lieu pour “24 Heures” mais pour les médias des autres régions du pays. Affaiblir l’ATS, c’est aussi attenter au fédéralisme.
L’évolution actuelle justifie les craintes émises à la fin de l’année dernière, lorsque l’ATS et l’agence de photos Keystone, avatar d’un groupe américain éponyme, contrôlée par l’agence de presse… autrichienne, annoncèrent leur fusion. Le personnel et les syndicats mettaient en garde contre le risque de transformer l’ATS en usine à dividendes. Une évolution incompatible avec le souci d’une information équilibrée entre les régions de Suisse. Etant entendu que l’entretien d’antennes rédactionnelles dans les minorités linguistiques coûte cher. Comme coûte cher le maintien du fédéralisme. La Suisse y tient-elle encore? En termes de cohésion nationale, le sort de l’ATS ne saurait laisser indifférents les citoyens ni les politiciens. Sans parler des pouvoirs publics. ATS et SSR, même combat.
Christian Campiche
L’ATS est une institution en Suisse. C’est vrai qu’on n’en parle que peu dans les médias. Je n’avais pas conscience du problème. C’est une bonne chose que Christian nous le rappelle.
Ce qui est terrible, c’est que les pouvoirs dominants n’ont plus aucune conscience de ce qu’est le patrimoine d’un pays. Dans ce processus, les médias sont une victime de tout premier choix.
Le monde subit la dictature des pouvoirs financiers. Ceux-ci n’ont plus d’égard pour ce qu’on peut appeler le bien commun, la notion de sacré leur est étrangère. Cette perte de sens moral permet n’importe quel type de comportement, car à aucun moment les “maîtres du monde” ne sont susceptibles d’éprouver quoi que ce soit comme remords.
Pour ajouter une information, dans son ouvrage “La PRESSE ROMANDE” (éditons Antipodes), l’historien Alain Clavien précise à propos des raisons de la fondation de l’ATS et de son essor rapide (54 journaux en 1895, déjà 71 en 1900), que le succès de l’Agence s’explique aussi par l’intolérance grandissante alors face à une pratique longtemps admise: le plagiat. Les rédactions avaient jusqu’alors pris l’habitude de travailler avec des ciseaux et de la colle, recopiant sans vergogne l’information dans les grands journaux. Un élément qu’il n’est pas anodin de rappeler en cette époque de “fake news” où les réseaux sociaux ont tendance à devenir le fil moteur le plus lu de l’actualité.
La Méduse citée dans Médialogues:
https://www.rts.ch/play/radio/medialogues/audio/lavenir-de-lats?id=9283842