Correspondance de Moscou – Des leçons données à la Russie…

Conjuguée avec la diabolisation de Poutine, la russophobie continue de faire des ravages dans les médias.

PAR JEAN-MARC BOVY, MOSCOU

On l’a vu dans une des récentes éditions de Temps présent, qui se veut l’émission phare de notre TV étatique. Le titre parlait pour lui-même: Poutine, Le Parrain. Conclusion de cette sombre descente dans les milieux mafieux du Saint Pétersbourg des années 90: Poutine a été contraint de briguer un nouveau mandat dans le seul but de conserver son immunité de président et d’échapper à des poursuites judiciaires. De l’homme d’Etat, qui a su relever son pays au bord de la déliquescence et se faire respecter du grand gendarme – et brigand – international, pas un mot. En bref, une mauvaise caricature.

Il y a heureusement quelques exceptions au brouillage médiatique sur la Russie. Au moment où l’on pourrait désespérer de Billag, notre TV romande sait parfois faire son métier de chaîne publique et refléter la diversité des faits et des opinions. Ainsi, dans une de ses dernières émissions d’ «Histoire vivante» intitulée «Poutine, le Nouvel Empire» , elle nous offre un autre visage de Poutine, celui d’un pro-occidentaliste qui a bien des raisons de se sentir dupé par ceux qu’il n’a cessé d’appeler ses «partenaires». Elle nous donne aussi un condensé des moments décisifs de l’Histoire qui depuis la chute du Mur ont amené la Russie à chercher sa propre voie et à réaffirmer son identité en dehors des canons de la bien-pensance occidentale.

Cette production française plante le décor là où il fallait commencer: par la célébration à Moscou des 70 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie, où aucun leader occidental n’a daigné venir rendre hommage aux 27 millions de victimes russes qui ont permis de gagner la guerre. Rien ne peut mieux faire comprendre le sentiment d’ingratitude qu’éprouve le peuple russe à l’égard de l’Europe et les raisons qui ont fait plébisciter son président (tout autant que le retour de la Crimée dans le giron russe). Les mouvements d’opposition ne sont pas pour autant ignorés, mais ils ne sont pas présentés comme l’unique source d’information crédible, ainsi que les correspondants occidentaux accrédités à Moscou ont tendance à le faire croire.

Il en faudra bien plus pour rééquilibrer la balance et entamer les préjugés russophobes qui des années durant ont été entretenus par la presse et sur les ondes, et qui sont profondément ancrés dans l’opinion occidentale. Un test sera de voir comment les Britanniques – et à leur suite l’opinion européenne – vont gober l’attaque au poison du Royaume-Uni. Le leader de l’opposition travailliste Corbyn a été conspué jusque dans les rangs de son propre parti pour oser demander que la procédure normale – et notamment celle que prévoit le traité international de 1997 sur les armes chimiques – soit respectée avant d’incriminer la Russie et de lui imposer de nouvelles sanctions. Le coup de la fiole qui avait justifié le déclenchement de la guerre d’Irak, va-t-il à nouveau réussir au risque de nous entraîner dans un affrontement qui pourrait devenir planétaire? Pour une fois, l’Union européenne et Lady May sont tombés d’accord et appliquent à la Russie un nouveau principe: celui de la présomption de culpabilité. Voilà une belle leçon donnée à la Russie sur le respect de l’Etat de droit dans nos vieilles démocraties.

Pour tous ceux qui recherchent une information moins lourde de préjugés et plus empathique sur les Russes et leur président, on ne peut que recommander l’ouvrage de Héléna Perroud «Un Russe nommé Poutine» (Editions du Rocher). Née en Russie, cette double-nationale a été la collaboratrice de Jacques Chirac et a dirigé l’Institut français de Saint Pétersbourg. Elle sait se mettre à la place de ses compatriotes et voir de leurs propres yeux, pour mieux nous faire comprendre comment Poutine s’inscrit dans l’histoire de leur pays. Slobodan Despot a interviewé Héléna Perroud dans Antipresse . Autre témoignage empathique, plus proche de nous, celui de Frédérique Burnand, arrière petite fille du peintre, qui s’est prise de passion pour la Russie et raconte dans «Jours de Russie» (Editions de l’Aire), son immersion dans la vie quotidienne des simples gens, dont elle déchiffre les préoccupations et qu’elle parvient à nous rendre proches.

La barque de l’information est déjà bien lourde. Ce qui précède n’a pas la prétention de la faire déborder.

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Un commentaire à “Correspondance de Moscou – Des leçons données à la Russie…”

  1. christiane betschen-piguet 31 mars 2018 at 15:14 #

    Cela fait bien plaisir de lire un article qui mette en évidence la « russophobie » et la diabolisation de Poutine trop répandues dans les médias occidentaux.

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