Nucléaire iranien, au royaume des dupes, les menteurs sont rois


Ce n’est pas nouveau mais les médias offrent trop souvent une résonance complaisante à certaines nouvelles. Leur rôle serait pourtant d’informer l’opinion publique de manière critique.

PAR PIERRE ROTTET

Ainsi de l’accord sur le nucléaire iranien, arraché à grand peine en juillet 2015 entre l’Allemagne, la Chine, les États-Unis d’Obama, l’Angleterre, la France, la Russie et l’Iran. Un accord que Trump entend renier aujourd’hui, alors que la France s’emberlificote dans ses contradictions.

Comme pour apprêter la soupe du dangereux locataire de la Maison Blanche, le Premier ministre israélien Netanyahu affirmait lundi dernier qu’il disposait de nouvelles “preuves concluantes” d’un programme secret iranien pour se doter de l’arme nucléaire. A quelques jours – est-ce un hasard? – de la date butoir du 12 mai fixée par Trump pour décider s’il dénonce ou non l’accord sur le nucléaire iranien. Un Netanyahu du reste pris dans la tourmente judiciaire, dans les affaires. Une aubaine, que ces supposées révélations. Qui ne trompent que les dupes.

Donc on diabolise à qui mieux mieux l’Iran. Après «l’apaisement» théâtral et supposé avec la Corée du Nord, il faut bien se chercher des ennemis. Et surtout préparer et élargir le terrain d’action pour les fabricants et les trafiquants d’armes. Souvent les mêmes d’ailleurs.

Ce qui interroge au fond, c’est que dans le même temps on fait ami-ami avec l’Arabie Saoudite. Sachant pourtant que ce pays n’a  rien à envier en matière de violations des droits de l’homme, des droits de la femme, pour ne pas parler des exécutions barbares à la chaîne, d’une vision pour le moins obscurantiste de l’islam. D’un wahhabisme fondamentaliste radical.

En 2015, pas plus tard qu’il y a trois ans, Wikileaks pointait les gouvernements de l’Arabie saoudite et du Qatar pour avoir financé le groupe terroriste Daech en lui fournissant un soutien logistique. Le réseau se référait à plusieurs courriels de l’ancienne secrétaire américaine, Hillary Clinton. Une information qui allait d’ailleurs être relayée quelque temps après par le «The New York Times». Conclusion du journal : «le royaume wahhabite a mis en place un redoutable système de prosélytisme à échelle planétaire pour faire la promotion d’un islamisme rigoriste. Depuis des dizaines d’années, l’Arabie Saoudite injecte des milliards de pétrodollars dans des organisations islamistes à travers le monde, pratiquant une diplomatie du chéquier».

De son côté, un rapport du Congrès américain affirmait fin avril 2015 que Daech recevait des transferts d’argent importants de la part de donateurs privés du Qatar, du Koweït et d’Arabie saoudite. Le Center for Strategic and International Studies de Washington chiffrait ces donations à près de 40 millions de dollars sur la période 2013-2014.

«Il y a une grande proximité idéologique entre Daech et une partie de la population saoudienne, explique pour sa part Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, auteur du “Guide du petit djihadiste”. Près de 2500 combattants saoudiens sont dans les rangs de l’EI. Parmi eux des rejetons de riches familles qui financent le combat de leur progéniture».

Aujourd’hui, le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salmane, bien imprudemment et complaisamment qualifié de «réformiste» par la presse française lors de sa visite de trois jours à Paris, après Londres et Washington…, tente de donner de son pays un vernis de respectabilité, d’ouverture.

Lors d’un débat récent dans l’émission «C’ dans l’air», un observateur faisait remarquer que l’Arabie Saoudite n’avait rien changé à sa manière de soutenir les groupes extrémistes fondamentalistes. Mais va comprendre pourquoi les États-Unis, principalement, la France et l’Angleterre, choisissent à la fois la peste et le choléra. Et dire que le nom de Trump a été avancé pour le prix Nobel de la paix par les républicains américains et le président sud-coréen. Et pourquoi ne pas l’attribuer simultanément à son homologue de la Corée du Nord ? 

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