Désastreux pour la Hongrie, Trianon a ouvert la route aux initiatives conquérantes d’Hitler et de Staline


Auteur d’un essai historique, “La tragédie hongroise – Trianon 1920” paru en 2020 (en vente chez Payot), Rudolf Mayer a quitté la Hongrie en 1956 avant d’exercer la profession de médecin ophtalmologue près de Lausanne. Le livre démontre par A+B comment la Hongrie a perdu les 3/4 de son territoire et la moitié de sa population à la suite du traité qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Comme le relève l’auteur dans son avant-propos, “Peu de choses ont paru sur le traité de Trianon. Et pourtant! Le traumatisme du diktat a été tel en Hongrie qu’il était impossible qu’une analyse ‘objective’ soit faite. ‘Pensez-y toujours, n’en parlez jamais’, disait Gambetta a propos de la perte de l’Alsace-Lorraine qui ne représentait que la perte de quelque 10% du territoire français en 1870. Imaginez ce que pouvait représenter pour l’opinion publique hongroise la perte des 3/4 du pays!”

Les bonnes pages que nous publions sont extraites du chapitre 9, “Principes de base et conception des grandes puissances”.

La cause la plus probable de la sévérité incroyable contre les hongrois est plus probablement ce qui suit : Clémenceau s’efforçait de se créer un allié en Europe de l’est pour contrebalancer l’Allemagne et ceci pour compenser la disparition de l’alliance avec la Russie. Pour cela, il trouvait important de renforcer la Roumanie et la Tchécoslovaquie. Il fallait élargir leur territoire au maximum.

Le prix en était qu’un autre état, la Hongrie, était rendu incapable d’exister.

La France, pays le plus puissant sur le continent à cette époque, ne cachait pas qu’elle voulait jouer un rôle dirigeant dans l’Europe. Cela ne dérangeait pas les Etats-Unis parce qu’ils se situaient plutôt sur un point de vue économique que politique par rapport à l’Europe. Les anglais désiraient garder leur suprématie économique en Europe et ils ne s’opposaient politiquement aux français que quand leurs intérêts économiques étaient en jeu. Parmi les autres vainqueurs, les italiens n’avaient pas grande importance dans l’organisation des choses. Le Japon ne s’est absolument pas mêlé des affaires européennes. En fait, les puissances anglo-saxonnes ont permis aux français de s’occuper de l’espace de l’Europe de l’est et du centre.

Suite à la Première Guerre mondiale, la France voulait assurer sa propre sécurité. Ce désir a réussi principalement dans l’Europe de l’est et du centre. Après avoir perdu son allié russe traditionnel et parce que les puissances anglo-saxonnes ne lui ont pas donné des garanties concernant les frontières allemandes, la France a tourné son regard vers les Etats successeurs de la monarchie austro-hongroise. La France voulait réaliser à son seul intérêt l’union économique qui fonctionnait parfaitement et qui maintenait un équilibre entre les dangers allemands et russes.

Si les grandes puissances de Trianon n’avaient pas décidé de toutes les dispositions territoriales au détriment de la Hongrie, alors on aurait pu mettre sur pied une situation de compromis. On aurait perdu la possibilité de créer une quelconque unité dans le terrain de l’Europe centrale. Il aurait été possible que dans les Etats nationaux à venir, des tentatives d’intégration auraient vu le jour et que finalement ces entités se seraient transformés en Etats fédératifs. Trianon a simplement empêché la création de cette union d’Etats et l’a même rendue impossible. Le fait que les petits pays d’Europe centrale étaient incapables de s’allier les uns aux autres a conduit à une décadence politique totale.

Finalement, cette situation a ouvert la route aux initiatives conquérantes d’Hitler et de Staline et à la création du système d’Etats satellites.

Ceci a rendu possible que ces pays, inquiets les uns par rapport aux autres, isolés les uns des autres, particulièrement haineux, se sont retrouvés en pâture, offerts aux grandes puissances qui voulaient les attirer de leur côté.

Rudolf Mayer

Rudolf Mayer répond aux questions de Christian Campiche sur la chaîne Youtube d’infoméduse

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