C’est depuis le second mandat Clinton que les Etats-Unis n’ont plus rien entrepris de sérieux contre l’hyperconcentration du pouvoir des entreprises et les monopoles. Souvenons-nous de la bataille anti-trust menée fin des années 1990 par le Département de la Justice US contre Microsoft. De fait, les administrations George W. Bush, Obama, et Trump ont toutes opéré, par la suite, selon le schéma néolibéral classique ayant favorisé à outrance la consolidation de ces pouvoirs. Dans un premier temps, des groupes comme Goldman Sachs, News Corp, Citibank, Tyson Foods, Walmart, Koch Industries, Monsanto, Boeing et Pfizer ont confisqué à leurs profits l’essentiel de l’économie américaine, contribuant notoirement à la toute-puissance chinoise qui leur a progressivement racheté et leur technologie et leurs usines. Puis ce fut, dès les années 2008-2010, la mainmise définitive sur la vie des citoyens américains et du monde de Google, Amazon, Apple, Facebook et de quelques autres qui parvinrent à largement dépasser leurs compétitrices en exerçant une domination absolue sur les plateformes que celles-ci devaient utiliser pour y faire affaire.
Car, ne nous y trompons pas, Barack Obama a complètement raté l’occasion qui s’offrait à lui à la faveur de la crise de 2008 de saper ces monopoles et de mettre en place des mesures structurelles protégeant contre la férocité de ces quelques cannibales. Ce faisant, ce quarteron s’arrogea littéralement le droit de vie et de mort sur la vie économique – et sur la vie tout court – puisqu’il put progressivement capturer l’ensemble des moyens de communication de la vie quotidienne. Développée lors de mes précédents articles sous l’angle historique, cette problématique de concentration extrême des pouvoirs et des richesses sous-tend en réalité – voire conditionne – la vie politique américaine depuis plus de 10 ans, et de manière intense. C’est grâce à son discours contre les monopoles agricoles qu’Obama put remporter en 2008 le caucus de l’Iowa qui le propulsa sur le devant de la scène. De même, c’est son échec à tenir parole et bien-sûr le sauvetage avec les fonds publics des plus importantes banques du pays qui attisèrent la colère publique. C’est donc cette collusion entre l’exécutif et les pouvoirs privés qui fut le terreau de l’émergence du Tea Party en 2010 et d’Occupy Wall Street en 2011. Comme c’est cette même colère populaire qui ouvrit la voie à la montée en puissance en 2016 du phénomène Sanders et à l’élection de Trump en novembre de cette année.
Il va de soi que ces ressentiments populaires furent largement exploités politiquement par les deux partis US, car Trump doit la nette augmentation des suffrages exprimés en sa faveur lors de la dernière élection Présidentielle à sa dénonciation des Démocrates présentés comme les servants de Wall Street et des géants technologiques. Le Parti Démocrate surfe également bien opportunément sur cette vague puisque la majorité de ses candidats aux dernières primaires emboîtèrent le pas à Elizabeth Warren qui stigmatise très efficacement, à force d’une argumentation circonstanciée, la menace fondamentale contre les Américains et leur démocratie constituée par ces concentrations extrêmes des pouvoirs économiques qui faussent et qui même cassent toute compétition.
Il est donc regrettable que, dans le cadre de sa nouvelle équipe chargée d’élaborer la politique anti monopoles, le nouveau Président américain se soit entouré des mêmes personnes ayant échoué à traiter de cette question cruciale sous Obama, qu’il ait cédé à la facilité d’écouter les voix prévisibles de celles et ceux partant du principe que cette mainmise ne représentait qu’une menace bénigne pour les USA. Nombre de Républicains attaquent d’ores et déjà Biden et sa nouvelle administration, le taxant de ne faire que perpétuer la politique pro-Google et pro banques d’Obama, et le dépeignant d’ «hologramme des techs». Il y donc fort à craindre que les GAFA n’aient trouvé un nouvel allié à la Maison Blanche.
Biden, laquais des big techs?
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