Un an après le premier confinement, Paris méconnaissable


PAR YANN LE HOUELLEUR

Se rendre à Paris, en provenance de la banlieue, pour y dessiner, comme au bon vieux temps, est devenu une expédition. Il y a toujours une ligne de métro qui finit par poser problème (bagage suspect oublié dans une rame, panne d’ordre technique, suicide, etc.), obligeant les humbles passagers à improviser un itinéraire différent. J’ai pu le constater hier, fonçant au Parc du Luxembourg afin de rejoindre un copain, François, habitant la province et venu se faire soigner dans la capitale. Quel pincement au cœur de voir Paris plongé dans une sorte de sommeil prolongé, une apathie interminable, une quiétude de façade fissurée à peine par les polémiques et les diversions idéologiques de la tonitruante d’Anne Hidalgo. Mme le maire vient de proposer de confiner ses sujets pendant trois semaines avant de tout rouvrir, restos et espaces culturels. Elle a déclenché une polémique dont les médias ont fait leurs choux gras.

Les quelques bars prétendument ouverts dans des avenues naguère chics ne servent que des cafés à l’emporter. Et comment fait-on pour aller aux toilettes en cas de nécessité urgente ? Il faut repérer des coins échappant à la vigilance des caméras de vidéosurveillance car nombre de sanisettes sont hors d’état de fonctionnement…

Le pire, c’est qu’il faut, dès 17 h, en raison de cet absurde couvre feu fixé à 18 h, songer à s’en retourner chez soi. Et alors bus et métros se remplissent telles des boîtes à sardines. Une effervescence mêlée d’angoisse s’empare de la foule. Ce n’est plus le Paris des longues discussions nocturnes dans toutes les langues, cette capitale privilégiée qui recevait plusieurs dizaines de millions de touristes par année, lesquels généraient des emplois de toute sorte, aujourd’hui partis en fumée.C’est désormais une ville à moitié fantôme, défigurée, enlaidie, escamotée par tant de mois de Covid. On se demande bien ce que sont devenus les « Jours heureux » promis en juin dernier par l’optimiste de choc Emmanuel Macron. Non, c’est de la souffrance à petites doses, pour tous ceux qui croisant les détenteurs de start-up dans les gares n’ont pas eu le bonheur de réussir dans la vie. Mais n’oubliez jamais qu’il existe une grandeur cachée dans l’existence des petites gens : la capacité à encaisser, à se conformer, à ne plus se laisser conquérir sottement par les illusions. Et l’arme fatale du vote… lors de l’élection présidentielle prévue au printemps 2021.

Le jardin du Luxembourg (photo©Yann Le Houelleur) avait fait le plein ce mardi 3 mars 2021… Les chaises que les nouveaux arrivants s’appropriaient crissaient sur le sable des allées. Et le silence était d’or car tels des lézards les gens prenaient avant tout le soleil.

Alors, après un dessin du Palais du Luxembourg (©2021Yann Le Houelleur), abritant le Sénat, tout en discutant avec François, j’ai dû envisager, dans la plus grande précipitation, de regagner ma banlieue. Non sans un sentiment de nostalgie car indéniablement une page aura été tournée. Reste-t-il des pages à remplir avec l’encre de l’espoir ? Ou le cahier de souvenirs est-il définitivement clos ? En tout cas, je peux vous le certifier, la culture en France comme ailleurs est au bord de la tombe. On se demande ce que « Roselyne » (Bachelot), à la tête d’un ministère bicéphale (Culture et Communication, deux secteurs parfois contradictoires) est venue faire dans ce chaos, ce cimetière d’enthousiasmes rouillé par un an de Covid et d’administration erratique de la « chose publique ». Cette femme politique au parcours atypique est pourtant munie d’un diplôme de pharmacienne… mais elle ne sait plus à quel saint macronien se vouer pour nous prescrire les médicaments appropriés…

Boulevard St-Michel&Rue Gay-Lussac. Photo©Yann Le Houelleur

L’auteur est journaliste à Paris, fondateur du journal numérique Franc-Parler.

Dessin: ©Yann Le Houelleur, 2021






Tags: , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.