PAR CLAIRE-DOMINIQUE OLGIATI
Une souris court sur le trottoir, ah non ! C’est une feuille. Deux oreilles noires et pointues jaillissent d’une poubelle, voilà un chat énorme qui m’écoute. Eh ! non c’est la poubelle qui engloutit le vent et toute gonflée et fière, elle se dresse hors de sa maison de plastique vert ; elle joue au chat botté.
Je poursuis ma route, poussée par cette impulsion d’air qui me soulève par bourrasques.
– Allez, dépêche-toi, vas-y puisque j’te pousse ! me crie le vent aux oreilles.
Au coin de la rue, je m’arrête tout essoufflée par tant d’air aspiré.
A mes pieds, une feuille brune, tombée morte depuis longtemps de son arbre, reprend soudain vie ; à terre, elle tournoie, se retourne et danse follement devant moi. Puis tout à coup, la voilà coincée derrière un pilier ; elle se débat, se cogne méchamment et reste prisonnière ; elle ne bouge plus. En trombe, arrive alors sa cousine-feuille, qui la bouscule et la délivre. Et les voilà toutes deux en goguette, elles s’embrassent, se croisent et se recroisent en discutant avec parfois même des courbettes. Leur dialogue m’échappe, seul mon regard amusé les suit.
Les voilà maintenant qui m’entraînent dans une farandole, elles réveillent d’autres mortes pour une valse hivernale, juste avant leur compostage.
Au ciel, ce sont aussi les cimes des arbres qui causent et se font des bisous et bien des révérences.
Passent ensuite des nuages dodus et boursouflés qui s’étirent et sont brusquement transpercés par un intrus en aluminium qui fume, lui aussi, mû par le vent ; il file par miracle et sans bruit. Bientôt, une compétition s’installe entre force du vent et celle du carburant ; si seulement le vent pouvait gagner, nous serions tous ailés et dépollués.
Oui, pigeons volent… mais de travers. Alors, qui vole encore ? Mon esprit, mes idées toutes bien nettoyées et libérées… cadeau d’un bel espace ! à préserver lorsque le vent m’aura quitté.
Aquarelle Reto Olgiati