Quand les philosophes s’égarent et même se renient


PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris et Gennevilliers

Il fut un temps pas si lointain – la Covid – où ils nous ont aidés à y voir plus clair et où certains d’entre eux ont pris quelques risques pour défendre la liberté d’expression face à un pouvoir abusif. On les a aimés (comme tant d’autres) et maintenant plusieurs d’entre eux, en l’occurrence en France, frôlent l’imposture et même s’embourbent dans la trahison. Les philosophes médiatiques, et ils ne sont pas les seuls, ont dû s’adapter et se ranger du bon côté. Or, quand les médias s’intéressent à quelqu’un et lui tendent le micro, bien trop souvent c’est qu’il y a anguille sous roche. Est-ce le média qui a fait l’effort de comprendre le philosophe (qui en l’espèce pourrait être un chanteur, un artiste, et même un politique) ou le philosophe qui a été assez malin négocier les bonnes grâces des prétendus journalistes et des éditeurs afin d’accéder à la consécration ? La philosophie, par essence, est l’affaire de tous, l’interprétation et la lapidation, tels des bijoux, de scintillantes réflexions sur le sens de la vie, de la mort, etc. Elle nous appelle à conjurer nos préjugés, notre tendance à toujours juger pour briser nos chaînes, à plus forte raison quand les chaînes de télévision s’obstinent à nous manipuler et même nous dresser.

MICHEL ONFRAY SUR LE PLATEAU DE BFM – Alors, comment accepter que Michel Onfray, l’une des icônes de la philosophie moderne, auteur d’une centaine d’essais et ouvrages, ait retourné sa veste ? tout à coup, il s’en est pris assez férocement à ceux qui avaient refusé le parcours vaccinal imposé par le gouvernement Macron. Après avoir critiqué copieusement la toute puissance des médias, voilà qu’Onfray, bouffi de contentement, est apparu sur le plateau de BFM-TV. Les plus instruits connaissent les (grosses) ficelles ainsi que les grands manitous d’Altice, une holding dont l’actionnaire principal fait partie de la petite dizaine de milliardaires qui, en France, contrôlent au moins les trois quarts des médias? Altice abrite ainsi sous son parapluie BFM, RMC, et il a mis un pied, aussi, dans la presse écrite.

Au fil d’innombrables interviews, Michel Onfray, entre autres obsessions, « pilonne » la Russie tout en omettant de mentionner les accords de Minsk contournés par l’Otan et ses affidés. Quand un organe de presse lui refuse un entretien, le boulimique Onfray en fait tout un plat. Ainsi, peu lui chaut le degré d’intégrité du média par le biais duquel il fait la promotion de ses œuvres. Et par ailleurs, Front-Populaire, la revue co-fondée par Onfray, s’avère être fort élitiste, peu compréhensible par le commun des mortels, ouvrant ses colonnes à ceux qui, parmi la jungle journalistique, se font fort d’investir tous les espaces médiatiques permettant de consolider leur égo ou de percevoir quelques droits d’auteur supplémentaires.

LE BOMBASTIQUE BHL – Quant à Bernard-Henri Levy, il continue à faire des siennes. Pourtant, ce va-t-en guerre mondain, auteur de plusieurs documentaires dénonçant des régimes autoritaires, avait sérieusement mis en doute les mesures coercitives prises par Emmanuel Macron au cours de la pandémie. S’exprimant en général sur un ton cassant et n’acceptant pas la contradiction, BHL a appelé Volodymyr Zelensky et les Ukrainiens à passer à la vitesse supérieure. D’abord, si ce pays dont la souveraineté a été violée peut riposter, c’est grâce non seulement au courage de ses soldats mais aussi aux aides massives d’Etats comme la France où sévit une paupérisation grandissante. La France n’est-elle pas, désormais, dans le collimateur du FMI à cause de ses déséquilibres budgétaires croissants ? Une honte ! Un euro pour les Ukrainiens, c’est un euro en moins pour les Français et un euro de dette(s) supplémentaire(s). Ensuite, les guerres enrichissent autant les fabricants d’armes que les médias et certains de leurs contributeurs. Il en sera toujours ainsi, jusqu’à la fin du monde.

La philosophie, par essence, est l’affaire de tous. Photo © Yann Le Houelleur.


ENTHOVEN, L’APOTRE DES ATHEISTES – Parmi les philosophes à la mode : Raphaël Enthoven, très mondain lui aussi, qui a pris la tête d’un hebdomadaire, Franc-Tireur, traquant les complotistes, les contempteurs de la théorie du genre, le Rassemblement national tout comme la France insoumise (LFI). Les éditos d’Enthoven sont brillants par leur style raffiné mais sombres par leurs intentions puisque dans une édition de Franc-Tireur en octobre 2022 le philosophe-éditorialiste a fait l’éloge de l’athéisme, s’enorgueillissant de ne croire en aucune puissance divine. Comment oublier les prédictions d’un certain Malraux selon lequel « le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas » ? La foi, quand elle ne se radicalise pas, est une ascension vers un surcroît de bonheur. Grâce à la chrétienté, la France est hérissée de somptueuses cathédrales et encore imprégnée de cette âme charitable qui est comme un terreau nourrissant tant de belles œuvres. Ce qui semblerait tout aussi grave : que l’on condamne les musulmans au seul prétexte que des djihadistes ont commis des atrocités (lesquelles ont d’ailleurs fait tant de morts au sein de la communauté musulmane). Pourquoi s’acharner à jeter ainsi l’opprobre sur les croyants dans un monde qui deviendrait, sous la pression des athées, plus juste parce que sans foi ni loi ? Ce n’est pas faire de la « bonne philosophie » que de vouloir vider églises, mosquées, temples et synagogues. Monsieur Enthoven, à chacun(e) le droit de croire ou ne pas croire ; un point c’est tout.

FINKIELKRAUT CONTRE LA TYRANIE DES ECRANS – Heureusement que l’on peut compter, encore, sur le courage et la sagesse d’Alain Finkielkraut. Ce philosophe, qui vit sous protection policière en raison de certaines de ses positions (il dénonce, notamment, l’antisémitisme en pleine expansion notamment dans les quartiers sous l’influence des djihadistes, des communautaristes mais aussi des députés incendiaires de LFI). Alain Finkielkraut vient de critiquer sévèrement le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, soupçonné de faire le lit du wokisme. Pap Ndiaye avait osé déclarer, sans nuance aucune : « Le but de l’enseignement est de réduire les inégalités sociales. » Or, la France reçoit de très mauvaises notes à la suite d’études consacrées à l’évolution de l’éducation dans différents pays. Lors de l’émission dominicale « le grand débat », sur la chaîne d’infos en continu CNews, le 11 décembre 2022, Alain Finkielkraut a disséqué avec des mots justes les maux gangrénant l’Education nationale:

Aujourd‘hui le cours magistral est un vestige scandaleux car il s’agit de mettre les élèves devant les écrans et ruiner la faculté d’attention, le numérique devenant le fétiche des élites de gauche et de droite. Il y a un mépris de la culture générale, accusée d’être encouragée par les dominants ; et on préfère parler de culture commune… Nous devrions penser et parler sous le regard de grands peintres et écrivains dont le nom même est toujours plus ignoré.

Merci, Monsieur Finkielkraut, de vous obstiner à nous éclairer dans le crépuscule d’une intelligence qui annonce le point final d’une civilisation. Hélas, au fil des années écoulées toute une intelligentsia dépourvue de convictions sincère mais vautrée dans des dogmes a tenté de vous faire passer pour un traître et même pour un facho ! 

L’auteur est artiste de rue et fondateur du journal numérique Franc-Parler.

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