Loup, coupable déni


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Un député Vert vaudois aimerait nous le faire croire: le loup est l’avenir de l’homme. Il ne faut donc pas le tirer! D’ailleurs le loup ne sera jamais éliminé de nos doux pâturages car il trouvera toujours un moyen pour s’y réinstaller. Il en est ainsi, prétend cet élu, parce que le loup émigre.

Imaginez le beau voyage du canidé. Le départ de son Ombrie natale, la traversée des Appenins, l’infinie et morne promenade le long des autoroutes. Parvenu en Lombardie, le loup franchit le Pô puis les Alpes. Et c’est tout guilleret qu’il parvient en Suisse, déterminé à coloniser bois, clairières, herbages.

Cette vision idéalisée du retour du loup a bonne presse mais elle est complètement irréaliste. D’abord parce que l’on peut se demander pourquoi le loup des Abruzzes trouverait tout à coup le chemin du nord après en avoir été si longtemps éloigné. Ensuite parce que le loup n’est jamais parti par ses propres moyens. En 2011, une enquête du soussigné parvenait à la conclusion que le loup a été transporté par hélicoptère depuis le sud de l’Italie. Cette thèse n’a jamais été confirmée officiellement mais elle n’a jamais été démentie non plus.

Le retour naturel du loup participe donc du mythe. A quelles fins cette illusion est-elle entretenue? Là réside le mystère. Une idéologie de secte entretiendrait-elle la croyance? Non loin de la gare à Lausanne, un magasin d’objets ésotériques ne désemplit pas. Au milieu de vapeurs d’encens, des effigies et sculptures de loups côtoient les amulettes et autres symboles à superstition.

Une autre légende accompagne la survie du loup. De quoi se nourrit la bête? Sans les troupeaux d’ovins et de bovins qui font l’expérience de ses crocs, le loup n’aurait pas de quoi poursuivre son existence. Le loup s’apparenterait donc à un animal domestique, alimenté par l’homme, d’où l’augmentation quasiment exponentielle de sa population. Cette dynamique de la gamelle, pourrait-on dire, provoque l’ire compréhensible des éleveurs ainsi qu’une curiosité mi-figue mi-raisin de la population du fait des rencontres toujours plus fréquentes entre promeneurs et loups. Pour l’heure sans conséquences heureusement, on s’observe de part et d’autre. Mais on touche du bois.

Révélateur de ce flottement est le fait que dans les milieux politiques croît l’embarras. Qu’arrivera-t-il le jour où un loup attaquera un être humain? La manière qu’ont les élus d’empoigner le problème laisse à désirer car elle donne l’impression de se cantonner à des affrontements idéologiques gauche-droite, alors que la solution requiert une approche froide et surtout scientifique de la situation. La position de certains milieux interpelle particulièrement dans la mesure où leur tolérance face au risque et aux dégâts soulevés par cette coexistence contre nature entre le loup et l’être humain relève d’une appréciation historique erronée. Pourquoi s’entêter à ne considérer que des facteurs évolutifs dans une sorte de déterminisme fataliste alors que la réalité est tout autre? S’il est vrai que le loup n’est pas arrivé en Suisse par la seule magie de ses antennes miraculeuses mais en raison d’une intervention humaine, la persévérance dans l’ignorance et le déni n’est pas seulement inquiétante, elle est carrément coupable.

Coucher de soleil dans le Pays-d’Enhaut. Photo Numa.

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7 commmentaires à “Loup, coupable déni”

  1. Rochat Marie-Françoise 10 avril 2023 at 15:45 #

    Merci de votre éditorial qui corrobore ce que je pense aussi. Faudra-t-il qu’un enfant soit attaqué et tué par un loup pour que nos autorités prennent le taureau par les cornes! Je vote souvent écolo mais là , NON, je vous avoue que même si une fois l’UDC lance une votation, je voterai pour eux ce que je n’ai fait qu’une fois dans ma vie (je ne voulais pas entendre le muezzin dans mon lit le matin)!

    Imaginons la détresse des éleveurs de moutons dans nos montagnes quand ils trouvent des animaux dévorés. Le jour ou cela sera un enfant je n’ose y penser.

  2. Jeanneret Pierre 11 avril 2023 at 13:55 #

    Excellent texte ! La dérive idéologique de certain-e-s écologistes m’inquiète beaucoup.

  3. Dominique Michel 12 avril 2023 at 09:09 #

    “Cette thèse n’a jamais été confirmée officiellement mais elle n’a jamais été démentie non plus.” – Là, l’auteur avoue qu’il n’en sait rien.

    “Le retour naturel du loup participe donc du mythe.” – Ce qui implique que cette assertion est un simple parti pris qui n’a aucune base scientifique. Surtout qu’en pratique, il est là, il est de retour.

    Historiquement, le loup à coexisté depuis toujours avec l’homme, même dans ce qui est aujourd’hui la Suisse. Ce n’est que dans un passé relativement récent qu’il a été exterminé. Maintenant il est de nouveau là sans que l’on ait la moindre certitude sur comment il est revenu. Par contre une chose qui est sure, c’est que la chasse est bien plus régulée qu’avant. Un autre est que le loup ne connait pas le concept de frontière.

    Perso, j’en ai rien à faire de savoir comment il est revenu, si c’est sur ses pattes, en nageant, en avion ou en soucoupe volante. Ce qui m’intéresse est qu’il est là, qu’on l’a déjà exterminé une fois et qu’il y a peut-être une autre solution de régler ce problème que de l’exterminer de nouveau. D’autres peuples que le suisse y arrivent très bien, même leurs éleveurs.

    Surtout que les chasseurs de ce pays, on les connait, ils se vantent de faire de la chasse sportive dans les bistros valaisans, c’est-à-dire de se mettre à l’affut sur un versant d’une vallée et, avec un fusil à lunette, de tirer sur tout ce qui bouge de l’autre côté. Tout le bistro se fichait de lui, même en valais.

  4. Christian Campiche 12 avril 2023 at 10:01 #

    L’auteur a réalisé une longue enquête pour le journal “La Liberté” en 2011. La thèse du transport depuis le sud de l’Italie est sérieuse et relayée par des sources croisées. Ce sont les milieux officiels qui ne confirment pas. Ils ne démentent pas non plus et cela est encore plus important.

    Si j’insiste sur l’intervention humaine, c’est qu’elle change tout dans l’approche du problème. Vérifiée, cela voudrait dire que le loup n’est pas responsable de sa présence en Suisse. Il a donc aussi un statut de victime, quelque part. Occulter cette réalité pour ne voir que l’aspect romantique de la vie sauvage c’est faire preuve d’irresponsabilité.

    En Italie, j’ai lu que des gouvernements locaux envisagent de déplacer massivement les ours à la suite du décès d’un promeneur, attaqué par un plantigrade. On ne parle pas de l’Afrique où les lions sont parqués dans des réserves.

    Tout cela pour dire qu’encore une fois, le débat s’impose. Mais la volonté existe-t-elle?

    • Dominique Michel 15 avril 2023 at 18:40 #

      J’ai lu qu’ils avaient abattu un loup en Hongrie qui venait d’Italie.

      Après je suis bien d’accord que le débat s’impose, ce qui est toujours compliqué dès que les politiques et leurs administrations sont en jeu, surtout que quand ils nous parlent de participation citoyenne, ce n’est la plupart du temps que de la fabrique du consentement.

      Perso, la façon dont ils sont venus ne changent rien à la situation. Les loups sont des carnassiers qui chassent en meute et, dans des régions à forte densité de population où la plupart des gens n’ont jamais vu un tel animal autrement que dans un zoo, pour ceux qui en ont vu en vrai, le vivre ensemble va être compliqué, si il s’avère possible.

  5. Dominique Olgiati 18 avril 2023 at 15:23 #

    Xénophopie et loupophobie? Ce rapprochement me fait écrire que les trajectoires, et les destinations humaines ou animales sont et resteront inconnues. plutôt que de fouiller, rechercher et avoir raison, mettons nos énergies au “vivre ensemble” avec un “win-win” et créateur de changement.

  6. Michel Bugnon Mordant 23 avril 2023 at 21:53 #

    Au-delà d’être comme d’habitude réfléchi, pondéré et très bien écrit, votre article met le doigt sur un problème prégnant dans notre monde déboussolé : le retour à des superstitions,
    à des fléaux tels que le satanisme. Mais il y a également une hypothèse très pratique : n’y aurait-il pas, de la part des tenants fanatiques du Mondialisme, la volonté
    de nuire à l’agriculture d’élevage nationale, de diminuer peu à peu les troupeaux afin de forcer l’importation de viande étrangère : brésilienne, canadienne, américaine,
    voire ukrainienne? Peut-être suis-je en train d’extrapoler indûment, mais c’est là une idée qui me traverse.

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