Selon le dernier sondage de la SSR sur les intentions de vote pour le 24 septembre, la mobilisation des électeurs et des électrices est plus faible en Romandie qu’en Alémanie. Et cela pourrait avoir pour conséquence la reproduction d’une situation connue : celle d’un « Röstigraben » où l’un des côtés du « fossé » (celui de Rösti, précisément) écrase l’autre (le nôtre) de son poids. Ainsi, 55 % des Romand-es refuseraient l’extension des autoroutes, mais seulement 50 % des Alémaniques en feraient autant.
Si la mobilisation reste plus faible en Romandie qu’en Alémanie, la Romandie risque elle une nouvelle fois de perdre. Et il en va de même face aux durcissements du droit du bail, que refuseraient, s’agissant de la possibilité donnée au propriétaire de résilier un bail en arguant de son « besoin propre », 59 % des Romands sur le besoin propre, mais seulement 47 % des Alémaniques. Sur le durcissement de la sous-location, on a grosso modo la même divergence. La mobilisation en Suisse romande sera donc déterminante le 24 novembre, comme elle l’a été en manquant, comme souvent ces dernières années : la Romandie avait largement accepté la limitation des primes d’assurance-maladie à 10 % du revenu, l’Alémanie a imposé son refus. Comme elle a imposé le report de l’âge de la retraite des femmes contre le vote romand. L’histoire des scrutins fédéraux n’est tout de même pas vouée à se répéter… et la Romandie à accepter que lui soit imposé un élargissement autoroutier (celui de l’A1 entre le Vengeron et Nyon) dont elle ne voudrait pas.
La campagne des CFF
Samedi et dimanche prochain, tous les trains de, par et vers Genève Cornavin seront supprimés. Les trains de Lausanne à l’Aéroport s’arrêteront à Nyon. Des bus et des cars de substitution seront mis en lace, et les CFF recommandent de ne pas voyager en train pour ou de Genève jusqu’à dimanche 15 heures. On saura alors si l’élargissement de l’autoroute entre le Vengeron et Nyon aura été accepté. On sait déjà que les CFF font campagne, à leur manière (une sorte de « propagande par le fait »…) pour qu’il le soit. Ils ne sont pas les seuls : les partisans de l’extension des autoroutes soumise au vote populaire le 24 novembre ont annoncé consacrer 4,1 millions de francs à leur campagne, contre 2,74 millions pour celle des adversaires de ce projet des années soixante du siècle dernier.
L’investissement de la droite bagnolarde se comprend : celui nécessaire à l’élargissement de six tronçons d’autoroute (dont un en Romandie, entre le Vengeron et Nyon, ajouté in extremis pour tenter de séduire les Welches) ascende à au moins 4,9 milliards, et sans doute plutôt 5,8 milliards. Cet élargissement des autoroutes, c’est enfin une véritable incitation à se déplacer en voiture plutôt qu’en train, alors qu’il conviendrait au contraire d’inciter à un transfert modal massif de la route vers le rail, à la fois pour atteindre les objectifs climatiques que la Confédération et les cantons se sont fixés, mais aussi pour réduire les coûts externes du transport motorisé privé : 19 milliards par an.
Ce qui est proposé avec cette troisième voie autoroutière, c’est d’abord, avant tout effet sur le trafic et les embouteillages, dix ans de travaux et de nuisances pour les riverains, et un peu plus encore d’embouteillages sur les deux voies actuelles. Puis, une fois ce funeste troisième chemin de croix tracé, un embouteillages sur trois voies plutôt que sur deux. Et 40’000 voitures de plus. Et du bruit en plus. De la pollution en plus. Et plus de report de trafic dans les quartiers déjà saturés de Genève et de Nyon. Et de la qualité de vie en moins pour ceux qui y habitent. A Genève, les Conseils municipaux de Genève et Vernier s’opposent au projet et les associations d’habitants de la Jonction, des Eaux-Vives, de Saint-Gervais, du Centre et de la Vieille-Ville et du Petit Saconnex rappellent que selon les estimations de l’Office fédéral des routes, l’élargissement du tronçon Vengeron-Nyon, qui entraînerait certainement celui du tronçon entre Vernier et Bardonnex, y apporterait 44’000 véhicules supplémentaires, s’ajoutant aux 90’000 qui l’empruntent déjà. Aussi irresponsable face à l’enjeu de la mobilité que ce l’est face à l’urgence climatique… d’autant que 40’000 m2 d’espaces verts et de terres agricoles seraient gaspillés (sans compter les 150’000 m2 défrichés entre Vernier et Bardonnex)
Retour des embouteillages
Elargir des autoroutes, est-ce que cela réduit les embouteillages sur les autoroutes ? Dans un premier temps, peut-être. Mais ensuite, certainement pas. On sait bien que toute nouvelle route, ou tout élargissement d’une route existante, appelle à une utilisation accrue de cette route, une fois les utilisateurs s’adaptant à la nouvelle offre. Il s’ensuit un retour des embouteillages là où on espérait les avoir dissout, et en prime de nouveaux embouteillages ailleurs, notamment à l’entrée des villes.
Elargir une autoroute parce qu’elle est embouteillée et qu’on espère qu’elle ne le sera plus une fois élargie, c’est comme vouloir une pièce de plus pour faire de la place dans un appartement encombré: on n’y gagne de l’espace que le temps d’encombrer la nouvelle pièce… Selon les zautorités, le réseau des routes nationales aurait affiché 48’000 heures d’embouteillages en 2023. Appliquons donc une règle simple comme un NON dimanche : plus d’espace pour les bagnoles, c’est plus de bagnoles, et plus de bagnoles, c’est forcément plus d’embouteillages… et donc, a contrario, moins d’espace pour les bagnoles, c’est moins de bagnoles, et moins de bagnoles, c’est moins d’embouteillages…
Pascal Holenweg, Genève