«Nous les allemands regardons vers Moscou et vers Varsovie. Paris et Londres sont des villes du passé», me confiait il y a seulement 3 ans un interlocuteur allemand.
C’était encore l’âge d’or pour ce pays persuadé que la globalisation bienfaisante pour son industrie serait éternelle. Angela Merkel, «l’indispensable européenne» pour The Economist était la personnalité la plus puissante d’Europe, voire du monde ! Seulement, il y a 3 ans, les décisions qui scelleraient le sort contemporain de l’Allemagne avaient déjà été prises par tous les Chanceliers successifs.
Ils mettaient tous en évidence leur relation étroite avec Vladimir Poutine, sans aucun recul par rapport à son gaz. D’où la décision unilatérale et lourde de conséquences de Merkel en 2011 de démanteler toutes ses centrales nucléaires. Il serait dit que l’axe de la nouvelle Europe devrait se concentrer sur la cruciale relation bilatérale germano-russe, couronnée par Nord-Stream qui coulera fièrement sous la Baltique. En aval, le partenariat avec la Chine garantirait de réjouissants excédents commerciaux.
Pour les élites économiques et politiques du pays, la voie était donc tracée, peu importe après tout si l’industrie allemande était d’un autre siècle. La qualité des produits finis, l’approvisionnement en énergie à bon marché, les débouchés chinois: leur conjugaison donnait l’illusion qu’il serait possible de résister à la domination annoncée de l’Intelligence Artificielle.
Sauf que l’Allemagne traverse aujourd’hui une véritable crise existentielle, car son modèle économique est un champ de ruines. Elle ne sait plus qui sont ses partenaires, elle ne sait plus qui elle est. L’Allemagne ne sait plus en quoi elle excelle, et elle ignore son rôle dans le monde.
Son Chancelier Scholz a été le chantre de la relation bilatérale privilégiée avec la Chine. Il s’est rendu de multiples fois, entre 2011 et 2018, lorsqu’il était maire de Hambourg, en Chine, dont les dirigeants au plus haut niveau le draguaient. Il s’est montré incapable de voter favorablement au niveau européen en faveur de la surtaxe sur les voitures électriques chinoises. Tétanisé par les droits de douane, Scholz reconnaît désormais la dépendance de son pays à la Chine, qui pose d’immenses problèmes à l’Allemagne.
Le fait est que les produits chinois inondent à présent l’Allemagne, et qu’ils sont très compétitifs. Contrairement à l’Allemagne, la Chine – qui a massivement investi dans les technologies du XXIème siècle – livre désormais des marchandises non seulement moins chères, mais également de meilleure qualité que ce qui se fabrique en Allemagne.
Le déclin allemand est donc structurel et se double d’une perte d’autonomie de ce pays. Tels sont les effets secondaires d’excédents commerciaux massifs au long cours. On gagne certes, mais on sacrifie sa dépendance et sa souveraineté.
L’Allemagne en crise existentielle
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