C’est un crime, celui perpétré contre la mémoire. Comme il y a le patrimoine de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, en 80ème année) qui regroupe des sites naturels et culturels de l’Homme, le patrimoine de l’humanité a trois bastions principaux que sont l’histoire/époques, la culture/peuples et la spiritualité/religions. Si la Révolution Française a bafoué les 3, nous en avons eu un dur rappel ce 26 juillet 2024.
J’ai cité l’ouverture des J.O. de Paris qui ont bafoué les grands fondements de ce beau pays qu’est la France : monarchie qui l’a gouverné pendant 1500 ans, aristocratie qui s’est mise en place pour servir le monarque (contrairement à la Grèce Antique où elle l’a remplacé) et chrétienté arrivée au 2ème s. et qui est devenue la référence au baptême de Clovis, fin du 5ème ! Trop facile de dire que c’était de la dérision naturelle alors qu’elle touchait les bases du pays.
« Une blessure esthétique, une blessure française »
Je laisse Philippe de Villiers dans son récent écrit ‘Mémoricide’ (Fayard, octobre 2024) dire :
La cérémonie d’ouverture des J.O. m’a profondément blessé, comme beaucoup d’autres. Une blessure esthétique, une blessure française. Dès les premières images, j’ai flairé que ce n’était pas un accident. Mais que, dans son ordonnancement même, elle avait été pensée, voulue comme une plongée dans les abysses, un catalyseur du grand renversement…
… Ce moment de nihilisme festif et exubérant restera dans l’histoire contemporaine comme un marqueur indélébile, le signe manifeste que l’imaginaire post-français a cru devoir, dans les allégresses publiques, au moment où la France – pays hôte – se donnait en spectacle au monde entier, officialiser sa rupture avec le pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde.
Merci, Philippe de Villiers, je recommande votre prose !
L’hyper-matérialisme comme seul pilier
La postmodernité est le concept philosophique et intellectuel de la fin du 20ème s. qui tente, après l’effondrement des idéologies, de surmonter le désenchantement du monde, après la désagrégation des repères culturels, le relativisme des sciences, l’évolution de la notion de progrès, l’humanité confrontée aux faillites écologiques, économiques et sociales, et l’échec patent des utopies révolutionnaires. Il s’accompagne d’hyper-matérialisme comme seul pilier.
Peter Sloterdijk, philosophe allemand de renom, parle naturellement du culte du présent, de la recherche du bien-être remplaçant la volonté de transmission, propre aux pré-modernes, et transformation de la société, caractéristique des modernes. Alors, faut-il, pour autant, jeter le bébé avec l’eau du bain. La mémoire reste un apanage fondamental de l’homo sapiens et il devrait y avoir quête de ‘sagesse expliquée à ceux qui la cherchent’, selon Frédéric Lenoir.
Dans son écrit éponyme (Seuil 2018), il nous propose : « tu aspires, sans doute, ami lecteur, à une vie réussie. Pas nécessairement à réussir dans la vie, mais à mener une existence bonne et heureuse. Je suis, pour ma part, convaincu que cet idéal philosophique de sagesse reste l’objet d’une quête on ne peut plus actuelle. » S’il y a bien un texte qui va maintenir la mémoire des spiritualités de toute humanité, son Odyssée du Sacré est remarquable, merci !
Une attaque ciblée sur un besoin de préserver l’histoire
Dans sa lettre apostolique du 21 novembre 2024 sur l’histoire de l’Eglise, le Pape François vient d’appeler à ce qu’il appelle la sensibilité historique et je cite : « je veux indiquer non seulement une connaissance approfondie et précise des moments les plus importants qui sont derrière nous. Personne ne peut vraiment savoir qui il est et ce qu’il entend être demain sans nourrir le lien qui l’unit aux générations qui l’ont précédé. » Autre appel à notre devoir !
S’il y a tentative de mémoricide, je conclurai en parlant d’attentat, une attaque ciblée sur un besoin de préserver histoire, culture et spiritualité. Le danger actuel réside dans la passivité de l’homme moderne, sujet au bombardement des media, qui n’a pas développé de juste mesure dans son esprit critique et préfère s’adonner à la répétition des clicks et au transfert du dernier tweet, son opinion complète en 240 caractères. Je préfère 660 mots, 3mn à lire !
©Martin de Waziers