‘I have a dream’ nous a laissé Martin Luther King Jr à propos de l’abolition de l’esclavage… mais on aurait pu entendre ‘Mihi est somnium’, dix-huit siècles plus tôt de la bouche de Marc Aurèle, cet empereur philosophe bien connu pour être le dernier des grands promulgateurs du stoïcisme. Dans le monde des ‘-isme’, suffixe bien connu en sémantique pour redoubler la connotation sous-jacente, on aurait besoin de plus de représentants du juste milieu !
Tout le monde y va de son extrémisme ou de son dogmatisme, sans modération aucune, sous prétexte de politiquement correct ou de panurgisme bon ton ! Le combat de coqs est partout, globalement, localement, dans les chaumières et même au sein de chacun de nous, tiraillé par des dilemmes stressants : en découle le conflit comme mode de vie. De multiples ouvrages nous appellent à la sagesse, comme le Rêve de Marc Aurèle de Frédéric Lenoir.
Conserve-toi simple, bon, pur…
Prends garde de te césariser, de déteindre, cela arrive. Conserve-toi simple, bon, pur, grave, ennemi du faste, ami de la justice, religieux, bienveillant, humain, ferme dans la pratique des devoirs. Fais tous tes efforts pour demeurer tel que la philosophie a voulu te rendre : révère les dieux, veille à la conservation des hommes. La vie est courte, son seul fruit est maintenir son âme dans une disposition sainte, de faire des actions utiles à la société… Marc Aurèle !
Fils adoptif d’Antonin le Pieux qui régna jusqu’en 161, il devient co-empereur romain avec son frère Lucius qui décèdera en 169. Seul aux commandes, il commencera à écrire ce qui reste de lui, son recueil de ‘pensées pour moi-même’, un journal de bord préservé par ses fidèles, heureusement, car il meurt aux confins de l’empire qu’il protégeait lui-même avec ses troupes, tout en montrant un humanisme merveilleux qu’il écrit jusqu’à sa mort en 180.
Un portrait à la fois émouvant et sans complaisance
Marc Aurèle, popularisé par Gladiator, ce film culte, nous interpelle : comment le dirigeant de l’un des plus grands empires du monde a-t-il pu conserver la sérénité au milieu du tumulte des guerres, des trahisons, des épidémies ou des catastrophes naturelles qui secouèrent son règne pendant près de deux décennies ? La réponse se trouve dans la philosophie à laquelle il a été formé très jeune et pour laquelle il éprouva une vive passion : le stoïcisme.
Frédéric Lenoir dresse un portrait à la fois émouvant et sans complaisance de Marc Aurèle, empereur parfois inflexible mais homme sensible et tourmenté, qui aspirait à devenir meilleur et à être utile au monde. Il nous fait aussi découvrir les grandes clés du stoïcisme : l’univers où tout est interdépendant, le bien et le mal dans l’intention morale, liberté et joie résidant en l’acceptation aimante de notre destin, bonheur individuel relié au souci du bien commun…
Le stoïcisme et ses 14 guides
On croit rêver : peut-on espérer la paix intérieure dans notre monde troublé ? Contrairement à nos dirigeants actuels, Marc Aurèle était, tel Saint Louis, un homme d’autorité et de justice, une polarité parfois oubliée mais nécessaire. D’ailleurs, s’il est le digne successeur d’Antonin le Pieux, son règne d’or sera suivi par celui de son fils Commode, pas tant que cela, puisque l’on parlera du sien comme un règne de fer et de rouille, ouille, ouille, ouille… Ca fait si mal !
Toute belle chose a une fin, nous dit malheureusement l’adage, sauf que Marc Aurèle nous a laissé son recueil et que Frédéric Lenoir a fait un chef-d’œuvre de sa synthèse dans son livre admirable. Cet érudit est capable de nous impressionner comme dans son Voyage vers Soi ! Le stoïcisme est la dernière grande philosophie gréco-romaine qui aura eu pas moins de 14 guides depuis son créateur, le grec Zénon jusqu’au latin Marc Aurèle, le tout sur 5 siècles…
…mais il reste le courant qui aura beaucoup influencé la Renaissance et la période récente ! A bon escient dans les deux cas car si Darwin a raison, ce ne sont pas les plus intelligents ni les plus forts qui survivront mais les plus adaptables au changement, espoir du moment. La raison et la justice que prône cette philosophie, la simplicité des pensées, telle la sobriété heureuse, va dans le sens d’un monde durable. Bâtissons l’avenir sur un rocher stoïque !
©Martin de Waziers
