PAR NADINE CRAUSAZ, texte et photos
J’ai répertorié 41 footballeurs qui inondent les réseaux sociaux de photos et vidéos avec leurs compagnons à quatre pattes, affichant une tendresse qui fait vibrer les foules. Ils posent avec leurs chiens, récoltent des millions de likes, mais laissent cependant le sang couler dans l’indifférence.
Au Maroc (lire notre reportage après le tremblement de terre de 2023), hôte de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030, des millions de chiens errants sont en effet massacrés dans des conditions atroces. La FIFA, la CAF et l’UEFA, par leur inaction ou leurs réponses évasives, couvrent cette horreur, comme elles l’avaient fait pour les 6 500 ouvriers morts sur les chantiers des stades au Qatar. Que peut-on attendre de ces gens millionnaires déconnectés des réalités qui n’ont même pas réagi devant ce bilan tragique ? Leur conscience ne risque pas les manger, ils n’en ont pas !
Une vitrine d’amour hypocrite
J’en ai répertorié 41, mais ils doivent être bien plus nombreux ! Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Neymar Jr, David Beckham, Harry Kane, Marcus Rashford, Alexis Sánchez, Gareth Bale, Mesut Özil, Aaron Ramsdale, Zinedine Zidane, et bien d’autres – qui paradent sur les réseaux avec leurs toutous. Messi câline son dogue de Bordeaux, Hulk, un mastodonte encore plus imposant que la « Pulga ». Ronaldo met ses toutous en scène comme des stars. Neymar, quant à lui, dédie des selfies tendres sur un compte suivi par des milliers de fans. Beckham, de son côté, pose à la plage, son chien en vedette.
Chaque semaine, de nouveaux clichés surgissent : balades complices, câlins post-victoire, poses sur des greens ou des plages paradisiaques. Même Lewis Hamilton, pilote de F1, complètement dévasté, pleure publiquement son bulldog perdu.
Ces posts, likés à l’infini, touchent des millions de cœurs.
Leur compassion s’éteint dès qu’il s’agit des sans-voix, qu’ils soient chiens errants ou ouvriers sacrifiés.
Carnage sous les projecteurs
À Marrakech, Casablanca, Fès, Agadir ou Ifrane, des milliers de chiens errants sont exterminés pour nettoyer les rues avant la CAN 2025 (janvier-février 2025) et la Coupe du Monde 2030. De Tanger à Dakhla, aucune ville n’échappe à cette chasse sanglante. Empoisonnés à la strychnine, abattus par balles, ramassés dans des camions pour une agonie lente, souvent sous les yeux d’enfants traumatisés.
Des vidéos de mai et juin 2025 montrent des carcasses entassées, des chiens vaccinés et tués sans distinction. Les ONG (IAWPC, PETA, Eurogroup for Animals, In Defense of Animals, Jane Goodall) dénoncent une politique de terreur. Environ 3 millions de chiens sont menacés. Un projet de loi (19.25, juillet 2025) criminalise l’aide aux animaux errants (amende de 300 USD pour les nourrir) et légalise l’euthanasie “scientifique”.
Des experts estiment qu’environ trois millions de chiens errants sont menacés au Maroc. Si rien ne change, la CAN et la Coupe du Monde seront entachées d’un des plus grands massacres animaliers contemporains.
Les instances du foot : complices par leur silence
La FIFA, organisatrice de la Coupe du Monde 2030, est sous pression. Depuis mars 2023, elle dialogue avec l’European Link Coalition (ELC), qui a fourni des preuves de tueries. Le rapport de candidature du Maroc note une interdiction des tueries depuis août 2024 et un budget pour le TNVR (Trap-Neuter-Vaccinate-Release), à savoir une campagne de vaccinations.
En février 2025, 10 ONG, dont Eurogroup for Animals, ont dénoncé des “captures et tueries accrues”. La FIFA monitore via des visites (Fès, Casablanca) et affirme être “en contact” avec les ONG. En septembre 2025, Gianni Infantino a salué les “progrès” du Maroc, sans mentionner les chiens.

Photo©Nadine Crausaz
Des manifestations (Musée de la FIFA, Zürich), pétitions (75 000 signatures via Action Network) et hashtags sur X (#BoycottWorldCup, #StopKillingDogs) accusent carrément la FIFA de complicité dans un “génocide canin”.
La Confédération Africaine de Football, derrière la CAN 2025, reste muette. Aucune déclaration sur les tueries, malgré des rumeurs liant les nettoyages de rues aux préparatifs de cette compétition africaine. La CAF se focalise sur les stades et les qualifications, soutenant son membre clé sans conditions éthiques. Son silence est vu comme une approbation tacite.
L’UEFA n’a pris aucune position. Elle priorise la compétition et les droits humains, ignorant le bien-être animal. Des ONG européennes (Eurogroup for Animals, Deutscher Tierschutzbund) ont interpellé de leur côté la FIFA, sans obtenir de réponse.
En 2022 au Qatar, 6’500 ouvriers migrants sont morts
Lors de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, 6’500 ouvriers migrants (Inde, Népal, Pakistan, Bangladesh) sont morts sur les chantiers des stades entre 2011 et 2020. Chaleur écrasante, salaires dérisoires, logements surpeuplés : une tragédie humaine occultée par la fête du football. Messi, héros du Lusail Stadium, n’avait rien dit. Ronaldo avait esquivé. Beckham, payé des millions pour promouvoir le Qatar, avait ignoré les morts. Comme tous ses camarades, Samuel Eto’o, Xavi Hernández, ou Cafu, autres ambassadeurs grassement payés.
Une gloire souillée
Que peut-on attendre de ces millionnaires déconnectés des réalités qui n’ont même pas réagi devant les bilans tragiques de 6 500 ouvriers morts au Qatar ? Ces footballeurs et même Lewis Hamilton savent mobiliser des millions avec un cliché de leur chien. Un post de Messi pour le TNVR, une story de Ronaldo pour les refuges, un message de Rashford ou Kane pourraient faire plier les autorités marocaines. Mais ils se taisent, comme la FIFA, la CAF et l’UEFA, qui laissent l’horreur perdurer.
CAN 2025, le scandale des billets
Un vent de colère embrase le Maroc à l’approche de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026. La prévente des billets, réservée aux détenteurs d’une carte Visa, sponsor majeur de l’événement, a tourné au désastre, attisant la frustration des supporters marocains.
Ouverte du 25 au 27 septembre 2025 pour 30 % des places disponibles dans les neuf stades hôtes, l’opération a été paralysée par un bug informatique sur la plateforme de la Confédération africaine de football (CAF). Après seulement quelques minutes, la file d’attente virtuelle s’est figée, laissant les acheteurs face à un message laconique : les billets étaient soit en cours d’achat, soit épuisés, et la billetterie était « temporairement inaccessible » en raison d’une « forte affluence ».
« Une mafia organisée »
Mais pour les Marocains, ce fiasco ne se limite pas à un simple problème technique. Sur les réseaux sociaux, la colère explose face à un système perçu comme truqué, où les simples quidams n’ont aucune chance. « Des gens utilisent 12 téléphones ou des bots pour monopoliser les billets », dénonce un internaute.
Ces « pros », bien rodés, raflent les tickets pour les revendre à des prix exorbitants sur le marché noir, parfois à des tarifs atteignant dix fois leur valeur initiale. « C’est une mafia organisée, pas une billetterie », s’indigne un autre utilisateur, reflétant un sentiment général de trahison.
Des sources évoquent même une suspension délibérée pour contrer ces chatbots et fraudes, mais sans mesures concrètes annoncées contre ces revendeurs. Les Marocains, loin d’être dupes, expriment leur désillusion. « Notre CAN, on la regardera à la maison », déplore un supporter, résumant l’amertume d’un public passionné mais exclu.
Symbole d’inégalités
Face à cette injustice, des appels au boycott massif de la compétition se multiplient. Le hashtag #BoycottCAN2025 gagne en popularité, avec des messages cinglants :
« Si les stades sont réservés aux riches et aux revendeurs, qu’ils jouent sans nous ! »
Ce mouvement reflète la frustration d’un peuple qui attendait avec ferveur la première CAN organisée au Maroc depuis 1988, mais qui se sent privé de son événement. Le 29 septembre, la CAF et le comité d’organisation local ont annoncé de nouvelles dates pour la prévente, sans fournir d’explications convaincantes sur les causes du bug ni de garanties contre les pratiques de revente. À 100 jours du coup d’envoi, la grogne populaire menace de transformer cette célébration du football africain en un symbole d’inégalités. Nadine Crausaz
Mundial 2030, décrocher le graal malgré la colère du peuple
Pendant 36 ans, le Maroc a poursuivi sans relâche son rêve d’organiser la Coupe du Monde, enchaînant cinq candidatures infructueuses entre 1994 et 2026. Chaque échec, marqué par des failles infrastructurelles, une concurrence écrasante ou des soupçons de corruption à la FIFA, a forgé la persévérance du royaume jusqu’à sa victoire pour 2030. Mais ce Graal, poursuivi pendant des décennies, attise la colère des jeunes Marocains, qui dénoncent une logique de «panem et circenses» du pain et des jeux ! Mais les stades fastueux seront pour les nantis, pendant que les plus démunis, regarderont les matchs à la télévision.
Le Grand Stade Hassan II de Casablanca, devrait être le plus grand stade de football du monde, avec une capacité de 115 000 places ! Raison pour laquelle le Maroc milite pour organiser la finale de la compétition ! Au grand dam de l’Espagne !
1986 : L’étincelle de l’ambition
L’exploit des Lions de l’Atlas, premiers Africains en huitièmes de finale au Mondial 1986 au Mexique, pousse le roi Hassan II à lancer une stratégie de diplomatie sportive. Objectif: faire du Maroc le premier hôte africain d’une Coupe du Monde. Mais les obstacles – stades vétustes, routes limitées, influence géopolitique faible – freinent chaque tentative.
1994 : Écrasé par les États-Unis
En 1988, le Maroc dépose sa première candidature pour 1994, misant sur son statut de pionnier africain. Le dossier est plombé par des infrastructures dépassées : stades anciens, aéroports insuffisants, seulement 60 km d’autoroutes. Les États-Unis, avec leurs arènes modernes et leur puissance économique, raflent 10 voix contre 7 au Comité exécutif de la FIFA. Le retard technique du Maroc est flagrant.
1998 : Balayé par la France
Nouvelle tentative en 1992 pour 1998. La Suisse, concurrente avec un projet de stades modulaires, se retire après que le drame de Furiani (1992, effondrement d’une tribune en Corse, 18 morts, 2 357 blessés) a renforcé les exigences de sécurité de la FIFA. Face à la France, portée par le Stade de France, l’UEFA et un réseau de transports (TGV, aéroports), le Maroc n’a aucune chance: 13-0 au vote. Son isolement diplomatique pèse lourd.
2006 : Éliminé face à l’Allemagne
En 2000, sous l’impulsion du prince Moulay Rachid, le Maroc soumet un dossier ambitieux pour 2006. Mais l’Allemagne, avec ses stades déjà construits, son lobbying agressif et sa logistique parfaite, domine. Le Maroc est sorti dès le premier tour (9 voix contre 12). Une enquête FIFA de 2016 révélera des soupçons de corruption dans le vote allemand, accentuant la frustration marocaine.
2010 : Volé par l’Afrique du Sud
Pour la première Coupe du Monde africaine en 2010, le Maroc présente en 2004 un dossier technique solide. Pourtant, l’Afrique du Sud, portée par l’aura de Nelson Mandela et des garanties sécuritaires, l’emporte avec 14 voix contre 10. En 2015, une enquête du Sunday Times révèle que Jack Warner, membre de la FIFA, aurait reçu 10 millions de dollars pour voter sud-africain. Bien que l’enquête suggère que le Maroc avait une majorité initiale, cela reste une allégation non prouvée judiciairement. Ces révélations, appuyées par des documents judiciaires américains, laissent un goût amer.
2026 : Défaite écrasante contre l’Amérique du Nord
En 2018, pour 2026, le Maroc livre son meilleur dossier: 1 000 km d’autoroutes, un TGV en projet, 14 stades (dont 5 neufs). Mais la FIFA, post-scandales, impose des critères techniques stricts, modifiés à la dernière minute, perçus comme favorisant le trio États-Unis-Canada-Mexique. Le vote à Moscou est sans appel : 134 voix contre 65. La puissance géopolitique nord-américaine et le soutien anti-Maroc de certains blocs (notamment après le choix du Qatar pour 2022) scellent l’échec.
Ces revers, coûtant des centaines de millions de dirhams, ont forcé le Maroc à moderniser ses infrastructures (autoroutes multipliées par 30, stades rénovés). La co-organisation de 2030 avec l’Espagne, le Portugal et trois matchs inauguraux en Uruguay, Argentine et Paraguay marque enfin le succès. Le Maroc devrait accueillir entre 20 et 30 matchs sur les 104 prévus, dans six stades (Casablanca, Rabat, Marrakech, Agadir, Tanger, Fès), bien que la répartition finale reste à confirmer par la FIFA. NC