Des fonds d’investissement traquent les atteintes à la liberté d’expression


En créant un site internet qui prône la démocratie, le cyberdissident Yang Zili n’ignorait pas qu’une telle démarche est assimilable à un délit dans sa patrie, la Chine. Mais il a osé braver l’ukase et il a été condamné en 2003 à huit ans de prison.

Le journaliste Shi Tao devait le savoir lui aussi. En juin dernier, il a été condamné à dix ans de prison pour avoir publié des informations considérées comme «secret d’Etat» sur un site internet basé aux Etats-Unis. Il aurait été identifié par la police chinoise grâce à des informations fournies par l’hébergeur de son compte e-mail, un moteur de recherche coté à la Bourse de New York.

Journalistes emprisonnés

«Les moteurs de recherche arrivent à bloquer certains mots clés comme dalaï-lama, un terme que l’on ne trouve pas en Chine», surenchérit tel observateur. Mais l’Empire du Milieu n’a pas le monopole de la censure, puisque 100 journalistes au moins sont emprisonnés à l’heure actuelle dans une dizaine de pays, selon Reporters sans frontières. D’où l’initiative que l’organisation basée à Paris cautionne officiellement: une déclaration commune dans laquelle 25 fonds d’investissement nord-américains, australiens et européens «affirment leur engagement en faveur de la liberté d’expression sur le Web et s’engagent, entre autres, à surveiller l’activité des entpreprises du secteur de l’internet dans les pays répressifs». Une force de frappe non négligeable puisqu’elle gère pas moins de 21 milliards de dollars d’actifs.
Autant dire que certains grands groupes informatiques ont entendu leurs oreilles siffler hier à New York, lors du lancement de l’opération. «Selon comment évolue la controverse, les titres de ces sociétés pourraient même à terme être exclus des portefeuilles des fonds de pension», synthétise Dominique Biedermann, directeur de la Fondation ethos à Genève, l’un des 25 signataires de l’appel. Comprenez: avant d’investir, certaines caisses de pension font appel à des agences de notation, lesquelles distribuent les bons et mauvais points en fonction de critères environnementaux ou sociaux. Avec la liberté d’expression, une nouvelle appréciation vient s’ajouter désormais à ces derniers. Elle pourrait peser d’un poids décisif lors de la décision de maintenir ou non une action dans le panier des placements.

Les Eglises aussi

Dominique Biedermann: «Nous voyons se développer une nouvelle forme de capitalisme, davantage axé sur la responsabilité à long terme. Il est très important en effet que la dénonciation des entorses aux droits de l’homme soit relayée par les investissements et plus seulement par les ONG. Aux Etats-Unis, les mouvements qui traquent ce genre de pratique – les Eglises, par exemple – sont puissants. Ils ne laissent pas indifférents les grands groupes dont les actions sont cotées à la bourse».

Article paru dans “La Liberté” du 8 novembre 2005

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