«La crise était inévitable» *


Il était une fois la fusion de deux énormes banques suisses, UBS et SBS, en 1998. C’est sur cet épisode de l’histoire financière helvétique que s’ouvre le nouveau livre de Christian Campiche, «Le krach mondial: chronique d’une débâcle annoncée… Et après?»1. Parce que c’est là, selon le journaliste qui écrit d’ordinaire dans ces colonnes, que «tout a commencé». Car c’est dans les mots des petits actionnaires floués par l’opération, qu’il a «compris que nous étions face à l’aberration d’un système». Une aberration qui allait mener, dix ans plus tard, au cataclysme économique en cours.
«J’ai eu envie d’écrire le livre dès que la crise a éclaté, au mois d’octobre. Partout des gens disaient que personne n’avait pu la prévoir. C’est faux. Elle était inévitable, et on pouvait la voir venir», affirme l’auteur. En quelques jours, il rassemble alors une soixantaine de commentaires et d’éditoriaux parus dans les différentes publications auxquelles il a collaboré ces dernières années («Journal de Genève» et «Gazette de Lausanne», «La Liberté», www.radeaudelameduse.ch). Il les replace dans leur contexte, et les ponctue d’une «lettre ouverte à celles et ceux qui nous gouvernent».
Un air de revanche
Appondus les uns aux autres, les textes mettent en évidence les lacunes et la fragilité du système économique. Un peu prophète, un peu poète, toujours critique, Christian Campiche montre du doigt les lézardes d’un système, dont les failles sont aujourd’hui béantes.
En 1998, il dénonce le manque d’éthique dont font preuve les grands patrons dans l’octroi de leurs indemnités de départ. Il relève que, cédant aux sirènes de la mondialisation, les grandes banques négligent leur base, celle-ci se tournant alors vers de plus modestes établissements.
A contre-courant
Au fil des pages, ses mots dessinent un capitalisme en mal de valeurs, des structures opaques, des dirigeants incompétents. Autant de défauts dont peu ont parlé ces dix dernières années mais que tout le monde dénonce haut et fort à présent. Au point qu’il y a, dans les lignes de Christian Campiche, des accents de revanche. La revanche de celui que certains prenaient pour un Don Quichotte, auquel les faits donnent finalement raison. Parce qu’ils montrent que l’ennemi contre lequel il s’est battu des années durant n’était invisible que pour ceux qui refusaient de le voir.
«Ce n’est pas évident d’être un journaliste engagé… surtout quand vous nagez à contre-courant», commente-t-il. «J’ai longtemps eu l’impression de crier dans le désert. Face à des personnes qui me prenaient pour un soixante-huitard dépassé». Peu commun, en effet, de taper sur les paillettes et les discours creux du Forum de Davos, pour leur préférer les rendez-vous altermondialistes. Peu commun, quand on chronique la finance, de taxer le «matérialisme libéral» d’«économie conquérante et égoïste». Peu commun, au cours des années et des retournements de l’actualité, de tenir un discours constant.
Au final pourtant, c’est cette ligne sans compromis qui rend l’ouvrage si solide. Un fil rouge sur lequel s’enfilent en toute logique les événements économiques des dix dernières années. De la fusion UBS-SBS, aux injections de milliards de dollars dans le système financier. I 

1 Christian Campiche, «Le krach mondial: chronique d’une débâcle annoncée… Et après?», Editions de l’Hèbe.

*Article paru dans “La Liberté” du 24 décembre 2008

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