Sur les façades, les martyrs d’Egypte

Dès le 12 février, les portraits géants de Moubarak étaient retirés de l’espace public et le pays sans président officiel s’est retrouvé dénudé. Comme pour combler le vide laissé dans la conscience collective, les visages des jeunes tombés pendant les 18 jours de révolte ont pris place sur les façades d’immeubles ou accrochés entre deux poteaux. Avec les chars postés en moindre nombre dans les rues, ces martyrs viennent rappeler que malgré les rênes du pouvoir confiées à l’armée, le pays traverse une période transition et que la révolution demande à être poursuivie en leur mémoire. Ces initiatives doivent recevoir l’aval des “présidents de quartier”, entités administratives gangrenées par la corruption sous Moubarak. Rien n’indique qu’à ce niveau les choses soient différentes 10 jours après la chute du raïs. Mais les administrés se montrent plus envahissants dans la gestion gouvernementale de leurs affaires, une pression qui inspirera peut-être le changement vers une vision plus respectueuse des biens publics. Ce qui est pour l’instant certain, c’est que la rue dans laquelle habitait chacun de ces martyrs portera bientôt leur nom. 

Et puis il y a ces discussions autour du drapeau. L’aigle, ce symbole de souveraineté, de force et de majesté, placé sur la bande blanche, entre le rouge et le noir, ne plaît plus. Du moins à quelques-uns. “Après tout c’est une révolution, alors changeons aussi nos couleurs nationales” clament-ils. Reste à trouver un consensus sur cette question qui demeure bien sûr secondaire, tant la tâche pour refaçonner le pays est immense. Mais certains ont déjà une petite idée, valable le temps d’une transition: pourquoi ne pas, par exemple ajouter une bande horizontale, en dessous de la noire, aux couleurs du treillis de l’armée égyptienne?

Camouflage et discrétion dans le combat obligent ici à opter pour des couleurs se mariant à celle du sable. Une proposition qui, en une nuit, s’est retrouvée sur les piliers de ponts, imposée dans le paysage urbain au plus grand nombre par quelques jeunes bien intentionnés. Pour ces questions esthétiques, une votation de quartier aurait été bienvenue. Mais là aussi le chemin est encore long.

Article paru sur “Tremblements d’Egypte

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