Une campagne puante et dangereuse


Normalement, le centre patronal vaudois et consorts devraient subir une sèche correction, le 15 mai prochain, date du scrutin sur les «PC familles», que ces gens entendent saboter. Les «forces en présence» le donnent à penser. Mais la puissance financière engagée par le patronat, son matraquage sont tels qu’on se prend à douter.

Ce référendum a été nauséabond dès le début, quand on pense que ces gens, incapables d’avoir assez de militants pour récolter des signatures contre une mesure sociale, sont allés payer jusqu’à des chômeurs pour la cueillette.

Et ce n’est pas seulement la disproportion des moyens engagés qui frappe, mais la malhonnêteté de l’argumentaire. L’objectif de la mesure combattue est de corriger un effet pervers de l’aide sociale, à cause de quoi les personnes secourues risquent d’y perdre dès qu’elle retrouvent du travail, surtout un emploi à temps partiel. Une situation décourageante que l’aide complémentaire instituée rectifierait. Par une ponction sur les salaires, il en coûterait à chacun à peu près le prix d’un café par année. Voyez comment le directeur du Centre patronal, sieur Christophe Reymond, réplique: «Moralement vous avez le droit de refuser de payer un café à ceux qui ont décidé de vous regarder travailler.» Moralement! Vous regardent travailler!

Soit dit en passant, les futurs bénéficiaires de cette aide, à supposer que leur temps partiel leur laisse du loisir, le passeront à autre chose qu’à aller regarder les autres travailler. Ils n’auront en tous cas pas l’idée d’aller zyeuter ce directeur et son quarteron de fonctionnaires patronaux, calfeutrés derrière les vitres opaques du Palais des patrons à Paudex.

Payer un café à ceux qui vous regardent travailler: l’image est parlante dans sa grossièreté. On imagine bien des feignants affalés au bord du chemin alors que de l’autre côté des travailleurs transpirent à construire une maison. La campagne du Centre patronal est fondée sur l’affirmation que ceux qui n’ont pas un emploi à plein temps, c’est parce qu’ils le veulent bien. «Pourquoi subventionner des gens qui ont choisi de travailler à 20%?» Il fallait penser à l’écrire et à le placarder noir sur jaune partout dans le pays de Vaud. Quelle que soit l’issue du scrutin, l’état-major patronal n’effacera pas d’un coup ces saletés.

Allez le dire à une mère de famille monoparentale contrainte à cause de ses enfants à limiter son temps de travail, allez lui dire, puisque ce cas de figure va augmentant, que c’est parce qu’elle le veut bien qu’elle est à temps partiel.

Tel qu’en lui-même, le ministre Pierre-Yves Maillard s’est engagé à fond en vue de sauver ce projet. Il n’est pas seul, mais bien visible tout de même, au point que peuvent se développer d’autres sous-entendus, écoutez voir, le socialiste Pierre-Yves Maillard…

Alors que la genèse du projet, de son financement surtout, débordent le cadre d’une approche socialiste. Il ne faudrait pas oublier que ce dispositif a l’appui d’un gouvernement vaudois à majorité de droite, qu’il a été voté par un Grand Conseil à majorité de droite, dont quelques élus ont ensuite résisté aux pressions en refusant le référendum patronal; ne pas oublier que des patrons ont pris position en faveur de cette mesure.

Ceci et la nécessité, que l’on suppose admise, de combattre ces formes aigües de précarité, laissaient présager une approbation catégorique de cette aide. Mais les arguments coup de poing placardés à tous les coins de rue font douter de l’issue de cette bataille. Il est encore temps de penser que cet enjeu ne doit pas être négligé.

Article paru dans Courant d’Idées

 

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