On les comprend, les pauvres chéris. A quelques mois des élections fédérales, au vu des sondages, contrer une motion prévoyant la sortie de la Suisse du nucléaire est plutôt casse-gueule pour ne pas dire politiquement suicidaire. L’UDC, qui reste tout de même accrochée à l’atome, a eu besoin d’un sophisme pour se couvrir – si on a besoin de centrales, c’est la faute à l’immigration. Les radicaux ne peuvent pas puiser dans ce fond de commerce, ça ferait très mauvais genre, et de toutes façons le créneau est déjà occupé. Se rallier par fatalisme à la proposition, compte tenu qu’une partie du parti, destinée à devenir majoritaire, a basculé dans le camp des fermetures de centrales, c’est faire éclater le groupe parlementaire dont un noyau consistant est resté fidèle aux injonctions patronales dures. Ne reste que la solution de l’abstention, à l’instar de la voie choisie par les nucléaires irréductibles du PDC, lesquels ne peuvent se permettre de s’opposer explicitement à leur conseillère fédérale.
Et tant pis si cette abstention apporte sur un plateau la majorité nécessaire à cette motion, par laquelle le démocrate-chrétien Roberto Schmidt propose de mettre en route le programme de Doris Leuthard. Tandis que si le PLR avait fait bloc contre, avec l’UDC et divers apports, cette moitié du Conseil national aurait encore quelque chance de bloquer l’autre.
Lorsqu’on réussit un pareil pataquès, on l’argumente: il sera possible, disent-ils, de rectifier le tir au Conseil des Etats. Oubliant qu’en cas de refus de la motion, il n’aurait simplement pas été nécessaire de rectifier. Mais bon…
L’effet de cette abstention, contraire au but affirmé, n’a pas l’air de gêner ces Msieurs-Dames. Ca prend l’allure d’un acte manqué. Et pour cause. Les rats quittent le navire nucléaire. Même le dernier bastion, l’UDC, doit constater des fissures dans son confinement. Bien sûr ce noyau de résistance atomique a ses grognards. Le fidèle soldat Guy Parmelin continue de battre la campagne sur le thème des besoins en énergie. Mais deux de ses voisins de travée ont déjà annoncé leur défection. Alice Glauser et Jean-Pierre Grin. Peut-être ne l’avez-vous pas remarqué malgré bientôt quatre années d’occupation de leurs sièges, ces deux personnes sont au Conseil national, et ambitionnent même de rempiler. L’une a carrément basculé dans le camp de la sortie du nucléaire, l’autre annonce, s’agissant de la motion Roberto Schmidt, une abstention toute radicale.
L’abstention a de quoi surprendre venant d’un UDC, moins de la part du PLR. Ces gens nous offrent, avec leur vote blanc, de quoi se farcir de vrais radis, rouges dehors, blancs dedans.
Article paru dans « Courant d’Idées »