Chérix, une voix dans le désert

François Chérix, par le canal d’un hebdomadaire romand, adresse une « Lettre d’un Romand aux Alémaniques ». Il invite par là ses compatriotes germanophones à reconnaître la nécessité d’une remise en question du fonctionnement institutionnel de la Suisse.

Il rappelle que la Suisse est à l’origine une construction alémanique qui a par la suite accueilli des entités parlant le français et l’italien. Des greffes souvent tardives, fondées sur la conscience d’un intérêt commun, qui a certes révélé ses utilités à l’occasion mais qui n’a pas permis la constitution d’une nation de cœur. Les différences entre les entités formant le pays n’ont pas été atténuées par le temps. Au contraire même pourrait-on dire lorsqu’on voit le repli identitaire des Suisses alémaniques sur leurs dialectes.

De plus, aux clivages linguistiques et culturels, puis confessionnels des premiers siècles d’existence de la Suisse se sont ajouté plus récemment une diversification des idéologies politiques et une fragmentation entre les villes et les campagnes. À la différence de la Belgique, il n’y a pas chez nous superposition de ces différents constituants, ce qui fait de l’ensemble un patchwork d’intérêts assez hétéroclites et souvent contradictoires. Difficile, voire impossible, dans ces conditions de trouver une majorité pour imaginer puis pour porter les modifications institutionnelles devenues pourtant indispensables.

Contrairement à ce que pense l’auteur de la lettre susmentionnée, le blocage ne vient pas des seuls alémaniques. Il suffit de voir à quels obstacles, en Suisse romande même, se heurtent des projets institutionnels comme le rapprochement entre Genève et Vaud (que François Chérix connaît bien) ou la création d’un canton de l’Arc jurassien.

La Suisse romande? Parlons-en! Sur les bords du Léman, si l’on regarde et si l’on écoute la télévision et la radio dites romandes, on semble croire qu’elle s’arrête aux frontières des cantons de Vaud et de Genève. Et face à l’idée d’un ensemble romand, les cantons du Valais, de Fribourg et de Berne, tous bilingues, se montrent réservés pour ne pas dire très réticents. Avec un pied dans chaque région linguistique, il estiment pouvoir mieux défendre leurs intérêts. Le Jura, déçu de ce qu’il croyait être une solidarité romande, tourne ses yeux vers Bâle, sans voir «pour l’instant» le bien-fondé d’un rapprochement avec Neuchâtel. Et que dire de la plupart des élus fédéraux romands, dont la pusillanimité et la condescendance intéressée face aux alémaniques laissent peu de place à l’optimisme.

Le constat de l’inadéquation des structures institutionnelles de la Suisse paraît pourtant partagé par beaucoup. Cependant, à défaut d’une unité de vue sur les projets à mettre en œuvre et sur la façon d’y parvenir, en Suisse romande déjà, il est en effet vain d’espérer voir les structures du vieux pays évoluer.

Article paru dans “Courant d’Idées

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