2011-2012: rien ne bouge et quelque chose bouge


Les turpitudes du capitalisme financier se poursuivent. Des dossiers fédéraux n’avancent guère. Et pourtant 2011 marque un grand tournant.

«L’année 2010 est passée, écrivions-nous il y a un an, et Marcel Ospel n’a toujours pas fait un jour de prison». Nous l’écrivions en pensant que l’année suivante la situation risquait d’être identique, et ainsi de suite. C’est bien ce qui s’est passé. Et pourtant ne desespérons pas. Certes dans le scandale UBS de 2008 comme dans d’autres, les perspectives juridiques semblent bouchées, tout paraît plié. Ce n’est pas une raison d’exclure qu’un jour ne survienne on ne sait quel élément qui fasse que justice se fasse. Il faut répéter l’analogie faite l’an dernier au sort de ces dictateurs qui avaient plus ou moins aménagé une transition démocratique tout en se préservant des protections légales, sans empêcher que finalement on vienne leur demander des comptes.

En attendant, Marcel Ospel peut continuer à jouir de son argent, et si son nom n’était pas remonté ce mois à la surface à la faveur des manoeuvres de contrôle de la «Basler Zeitung» par Christoph Blocher, il serait un peu oublié. Le moment se rapproche où il faudra expliquer son rôle, qu’il fut l’incarnation du scandale UBS et dut abandonner précipitamment les commandes de l’entreprise.

Nous avons néanmoins été gâtés en 2011 en matière de turpitudes financières, sur le plan international, du fait des exploits des agences de notation financière. Elles se sont distinguées par une activité politique intense. Le cas grec, bien sûr, où l’on étouffe un pays sans s’attaquer aux causes du mal. Mais encore le cas américain l’été dernier, très intéressant. S’en prendre à la note américaine: pourquoi pas eux? Le moment choisi et l’argumentation ont été significatifs. C’était l’épisode du vote budgétaire américain retardé par les divergences entre républicains et démocrates. Une situation tendue à l’extrême, à laquelle une issue a néanmoins été trouvée. Or, le commentateur de notation n’en finissait pas de déplorer cette cacophonie partisane, justifiant la décote américaine par les mésententes politiques qui ne «rassuraient»pas les marchés.

Tout est dans le non-dit, l’implicite de ces gloses glauques: sous d’autres latitudes les marchés n’ont pas ces motifs d’inquiétude, n’est-ce pas, Shangaï, Singapour…

La crise des dettes européennes, qui a meublé le deuxième semestre 2011, mérite d’être examinée sous cet éclairage. D’accord, il n’aurait pas fallu laisser croître à ce point toutes ces dettes. Mais ce n’est pas arrivé en un jour. En revanche les tirs spéculatifs contre l’euro et les pays affaiblis de la zone ont été soudains, dirigés d’un seul tenant, dans une systématique de l’urgence, assortie d’un discours stigmatisant la complexité institutionnelle de l’Europe.

Ailleurs, c’est tellement plus simple, efficace, rassurant pour les marchés. Une missive subliminale est ainsi envoyée, rengaine implicite de ces crises très orientées. La révélation de la dernière décennie déploie maintenant tous ses effets: le capitalisme s’accomode parfaitement des régimes dictatoriaux, qui offrent de bonnes conditions à la sauvagerie néolibérale.

Que voilà une interrogation à l’adresse de nos libéraux classiques, dont les prétentions humanistes voilent un dogme de l’économie de marché qui libère avant tout les inégalités sociales, et conduit à piétiner les libertés premières.

Mais laissons ça. L’année 2010 s’était terminée, sur le plan suisse, par l’adoption calamiteuse de l’initiative d’expulsion automatique des criminels étrangers, que Simonetta Sommaruga avait la mission impossible de mettre en musique sans contredire la convention des droits de l’homme. On attend toujours des nouvelles à ce sujet, ce qui tendrait à confirmer que la mission est bien impossible. Les déboires de l’UDC aux élections fédérales aideront-ils à calmer ce jeu et à définir une voie praticable? A voir.

De fait d’autres dossiers fédéraux, exemple la relance du développement ferroviaire, sont restés à l’état exploratoire cette année. Des redites du capitalisme financier aux patinages fédéraux, le bilan 2011 serait-il donc: rien de nouveau sous le soleil? Faux: le virage de la sortie du nucléaire, cette option forte annoncée ce printemps et approuvée pour l’essentiel par les Chambres, constitue le grand acquis de cette année. Il demande à être consolidé par une dynamisation des énergie alternatives. La tâche est rude.

Article paru dans “Courant-d’Idées

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