De l’utopie (1) – Après le courage vient l’imagination


1991, le 700e anniversaire de la Confédération helvétique avait été placé sous le signe de l’utopie. (On a pu l’oublier, mais c’est authentique!)

PAR BERNARD WALTER

Je me demande d’où avait bien pu venir cette bonne idée. Quelle que soit la réponse, la suite montre que cette intention n’a pas dépassé la consistance du vent.

Et pourtant, quoi de plus nécessaire que l’esprit de vision dans notre monde d’aujourd’hui?

Car: gérer le monde dans son état actuel, d’accord. Mais depuis le temps qu’on le gère, on ne peut que voir le résultat de cette gestion: le fonctionnement social et financier du monde actuel est une catastrophe. Le nier relève de la pure idéologie qui n’arrange en réalité les affaires que d’une infime minorité. A savoir les milliardaires et millionnaires sur lesquels les projecteurs de notre système médiatique sont constamment braqués, pour faire rêver le peuple sans doute.

Comprendre le monde, voir ce qui se passe derrière le paravent officiel, dans les coulisses des banques, des médias, des parlements et des armées n’est pas une question d’intelligence, mais un acte de courage. Le journaliste et écrivain Günter Wallraff en est la démonstration vivante, lui qui a pris toutes sortes de déguisements et de rôles pour aller voir ce qu’on ne doit pas voir.

Plus modestement, pour chacun d’entre nous, il s’agit d’oser penser, d’oser penser le monde, établir le lien entre les choses et poser les vraies questions, même si les réponses ont des conséquences  dérangeantes.

Cette même idée, le grand alpiniste Walter Bonatti, l’exprime en une phrase très frappante: “Aujourd’hui, être un héros signifie seulement ne pas accepter les compromis que la médiocrité quotidienne t’amène à affronter.”

Comment accepter le monde actuel, gouverné par l’argent et les armes, comme le seul monde possible, comment ne pas se faire une représentation d’un autre monde, du monde tel que la majorité des êtres vivants, hommes, animaux ou plantes, pourraient le souhaiter?

Quelle audace, n’est-ce pas, de penser qu’un monde sans argent marcherait mieux que le nôtre! Quelle audace de penser que sans centrales nucléaires et sans armes, ce monde serait plus sûr et plus agréable!

Quelle audace de voir une Terre avec de l’eau claire et de l’air propre, avec des hommes paisibles et des villes roulant à la vitesse du cycliste, des animaux libres, des forêts heureuses…

Après, il y a le chemin pour y parvenir. Mais comment y aller, si on n’a aucune idée du but à atteindre? Comme le disait un ami très engagé socialement et politiquement: «une utopie, pour moi, c’est une sorte de phare qui nous permet de diriger nos pas dans une direction plutôt que n’importe où».

Revenons à 1991. A l’occasion de ce 700e anniversaire, le philosophe bâlois Hans Saner a eu l’idée géniale et incongrue de prendre la devise de la Confédération au mot. Le thème «Utopie» a été proposé à des classes de gymnasiens bâlois, et ce sont 45 textes qui lui sont finalement parvenus. Ces textes sont donc le fruit de la réflexion et de la vision du monde de jeunes gens de 17 à 19 ans. Ils ont été publiés dans un ouvrage intitulé «Utopien. Träume des jüngsten Generation.» J’ai trouvé cette initiative remarquable, et je me propose d’en tirer quelques extraits dans de prochaines contributions.

En ce qui me concerne, le fait d’avoir une représentation d’un monde souhaitable vers lequel aller m’a généralement donné un temps d’avance sur les événements, c’est le moteur de ma pensée et de mon comportement social.

Penser le monde est un acte essentiel.

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