L’irruption d’un étrange lobbyiste économique


SuccèSuisse entend agir au nom du «modèle suisse». Mais qui sont les promoteurs de ce nouveau mouvement?

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

L’appétit vient en mangeant. Non content de combattre l’initiative 1:12 pour la limitation des salaires, SuccèSuisse, mouvement de la droite économique né il y a quelques mois, compte faire campagne contre six objets proposés en votation par la gauche et l’UDC d’ici 2015. Au nom du libéralisme et du «modèle suisse».

Qu’est-ce que le modèle suisse? Et d’abord pourquoi ne pas laisser les coudées franches à economiesuisse? Après avoir connu une succession de contradictions, cette organisation faîtière n’est certes plus que l’ombre de son puissant ancêtre, le Vorort. On l’a accusée d’avoir mal géré la campagne contre l’initiative sur les rémunérations abusives et de trop faire le beurre de la finance à l’heure de la pression fiscale. Le doute s’est insinué au point qu’elle n’a toujours pas trouvé la perle susceptible de reprendre sa direction suite au départ, en juin 2013, de Pascal Gentinetta, un fervent partisan du secret bancaire.

Pouls de 100’000 entreprises employant plus de 2 millions de salariés, economiesuisse exerce pourtant un rôle bien défini, qui ne saurait être confié au premier venu. SuccèSuisse jure ses grands dieux qu’elle ne veut pas la concurrencer.

On la croirait sur parole, n’était le pedigree de ses promoteurs. Passons encore sur le Romand de service, un parlementaire qui mange à tous les râteliers. Mais son principal animateur, le Zurichois Ruedi Noser, ne laisse planer aucun doute sur ses ambitions: il a été le meilleur défenseur au parlement de l’accord Fatca signé avec Washington pour coincer les clients américains des banques suisses.

Le soupçon s’amplifie quand on voit apparaître le nom de Martin Naville. Que fait le directeur de la Chambre de commerce américano-suisse dans l’organigramme de SuccèSuisse? A l’heure du scandale des grandes oreilles du Pentagone, on aurait préféré une présence, disons, plus neutre.

Chronique parue dans “GHI” du 31 octobre 2013.

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2 commmentaires à “L’irruption d’un étrange lobbyiste économique”

  1. U. des Scex 3 novembre 2013 at 13:38 #

    SuccèSuisse ou MensongeAméricain?

    Que l’économie suisse tienne (actuellement) du succès ne fait pas de doute. Le mensonge (car c’est bien de cela qu’il s’agit) est de faire croire que c’est grâce au libéralisme et à la liberté d’action laissée aux grands managers. Il suffit d’évoquer Swissair pour que mon cheval de bois se mette à ruer.

    Nicolas Hayek ici, Steve Jobs là-bas, ont certes été de formidables créateurs d’emplois, mais ces succès sont surtout dûs à une exceptionnelle faculté créative, qui n’aurait mené à rien si elle n’avait été relayée par des milliers de petites mains garantissant la qualité du travail. Rien à voir avec le libéralisme!
    Le succès dont nous bénéficions en Suisse tient en premier lieu à la conscience professionnelle régnant à tous les échelons de notre société, en particulier là où l’on est encore à distance humaine des salaires les plus bas. Ici la voirie fait son boulot, les flics ne sont pas corrompus et les chauffeurs de bus assurent le service.

    Avis à ceux qui veulent nous vendre à l’étranger en ajustant sur leur tête une couronne à croix suisse: Sans nous, les petites mains qui gravons ces croix, vous n’êtes que des pantins!

  2. AAA-Investment 3 novembre 2013 at 18:44 #

    En s’engageant hors USA pour une politique néolibérale, SuccèSuisse ne fait pas oeuvre de précurseur …

    Augusto Pinochet est déjà passé par là, feu le généralissime. La compagnie ITT, elle, est toujours bien vivante, après un rien de cosmétique: réorganisation et subdivision en trois parties, cotées séparément au New York Stock Exchange dès 2011. Cela fait à peine deux ans! A votre avis, combien de temps faut-il pour créer une antenne locale d’une amicale internationale, style “Pinocchio and friends”?

    La dérive de nos grandes régies vers la privatisation se précise et l’on s’interroge sur ce mouvement:
    Qui pousse? Qui tire? Qui en tirera profit? Les rois des réseaux sont à l’affut, réseaux de télécommunication et de transports en tous genres (eau, énergie, etc), et certaines questions riment avec ITT: Qui ne rêverait pas d’investir (ou, beaucoup mieux, de pouvoir proposer des investissements) dans les réseaux de service en Suisse?

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