Tribune libre – Ma grippe vaut bien un vaccin


Le vaccin contre la grippe, c’est le «marronnier» de l’hiver. La polémique revient chaque année, avec les mêmes arguments pour et contre. 

PAR MARC SCHINDLER

Partisans et adversaires campent sur leur position, prêts à ferrailler avec un mélange étonnant de certitudes scientifiques et d’arguments de mauvaise foi. Depuis plus de 40 ans, je me fais vacciner chaque année contre la grippe. Et ça m’a plutôt bien réussi. La dernière grippe dont je souviens, c’était quand j’étais à l’armée en 1957. J’avais attrapé la grippe asiatique. Dix jours à grelotter en été avec une fièvre carabinée et des jambes flageolantes.

Je ne suis ni médecin ni infirmier. Ce que je sais sur la grippe, c’est ce que je lis et ce que j’entends. La grippe n’est pas une maladie bénigne, en tous cas pas pour un vieux comme moi. Si j’en crois les sources officielles, la grippe est la première cause de mortalité par maladie infectieuse en France: elle frappe environ 2,5 millions de personnes chaque année, 153 en meurent et plus de 100 cas graves sont hospitalisés.

Evidemment, les Français ont été traumatisés par la calamiteuse campagne de vaccination de 2009 contre la grippe A H1N1, qui a coûté 668 millions d’euros pour vacciner 5,38 millions de personnes. La ministre de la Santé de l’époque, la délicieuse Roselyne Bachelot et son sourire éclatant, a probablement paniqué quand l’Organisation mondiale de la Santé a parlé d’un risque de pandémie grave et évoqué des centaines de milliers de morts! Mobilisation générale: tous vaccinés! Les médecins de ville, les seuls qui connaissent bien leurs patients, n’ont pas eu leur mot à dire. On a rappelé en urgence des praticiens à la retraite et des étudiants en médecine pour vacciner à la chaîne. Dans la bonne ville d’Alès, où j’habite, il y a deux hôpitaux. Mais on a monté à la hâte un «vaccinodrome», des tentes militaires, dans un endroit éloigné du centre ville. On aurait cru que la peste menaçait les Cévenols. Avec ma femme, notre bon de vaccination à la main, on a été reçu par un vieux médecin réquisitionné qui nous a dirigé vers une salle d’attente. Hommes, femmes et enfants attendaient la peur au ventre d’être appelés pour subir la piqûre salvatrice. Trois étudiants rigolards nous ont vaccinés, puis nous ont fait attendre un gros quart d’heures assis sur un banc. Pourquoi ? On ne sait jamais, il y a peut-être des effets secondaires! La France a commandé 94 millions de doses, car la ministre avait décidé qu’il fallait deux doses de vaccin, mais devant le refus des Français de se faire vacciner, il a fallu en jeter près de 3,5 millions.

Bien sûr, cette cacophonie coûteuse a fait le miel des opposants à la vaccination contre la grippe. On a tout entendu: ça fait mal, ça ne sert à rien, le corps se défend naturellement contre le virus, il y a deux fois moins de grippe chez les patients vaccinés. Et de citer un rapport médical publié en 2012: «Le vaccin permet de diminuer au mieux par deux la probabilité d’être alité et incapable de travailler plusieurs jours, tous les dix ou quinze ans. C’est en effet l’intervalle moyen qui sépare deux accès de grippe chez une personne donnée (certains n’en “font jamais”, d’autres sont grippés plus souvent).» Autre argument-choc: il y a de graves effets secondaires, des patients vaccinés ont souffert de narcolepsie, un trouble du sommeil. Bon, c’est vrai, mais il y a eu 25 cas sur 5,38 millions de vaccinés! Enfin, l’accusation qui tue: les laboratoires pharmaceutiques se sont gavés à nos frais. Pas tout faux, mais impossible à prouver. Quand Mme Bachelot a demandé en catastrophe à Novartis, Glaxco Smithkline ou Sanofi de livrer immédiatement des millions de vaccins, ils ont livré, au prix fort.

Les Français sont de plus en plus méfiants: ils ne sont que 28% à se faire vacciner, parce qu’ils pensent que le vaccin peut donner la grippe, qu’ils croient qu’on peut soigner la grippe avec des antibiotiques ou qu’il est plus dangereux de se faire vacciner que d’avoir la grippe. Ils sont encouragés par des associations comme «Vous et votre santé», qui milite pour «un libre choix thérapeutique» et qui affirme que la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées est un «gérontocide». D’autres «enragés de l’anti-vaccination», comme l’Association Liberté Information Santé, réclament une «clause de conscience» contre la vaccination et ont lancé une pétition qui veut recueillir un million de signatures: «Nous les signataires, en tant qu’hommes et femmes libres, nous ne reconnaissons pas à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’autorité de préconiser des vaccinations obligatoires. Notre corps est un territoire souverain et soumis à notre seule auto-détermination. Toute tentative de violation de cet état de fait doit être considérée comme une atteinte aux droits fondamentaux.» En plein délire!

Que Mme Michoud soit convaincue par de tels arguments, cela ne m’étonne pas. Mais que des médecins et des infirmières relaient ces croyances et refusent de se faire vacciner, cela me laisse sans voix. Si votre médecin et votre infirmière refusent de se faire vacciner, comment voulez-vous être convaincu que le vaccin vous protège contre la grippe? Quand je lis que, dans les hôpitaux, un quart seulement du personnel médical se fait vacciner, je suis choqué. Comme quand je vois des blouses blanches tirer sur leur clope à la porte des cliniques. Je respecte la liberté de conscience, mais quand les praticiens de santé, dont le salaire est payé par la Sécurité sociale et l’argent des patients, brandissent leur liberté de conscience, je trouve qu’il y a de l’abus. Bon, face à la maladie, chacun fait ce qu’il veut. Quant à moi, à mon âge, je préfère le vaccin à une place à l’hôpital ou au cimetière.

L’auteur est journaliste suisse à la retraite dans le Gard.

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2 commmentaires à “Tribune libre – Ma grippe vaut bien un vaccin”

  1. Richard Golay 25 février 2014 at 23:24 #

    “(…) Mais que des médecins et des infirmières relaient ces croyances et refusent de se faire vacciner, cela me laisse sans voix.”

    Avez-vous seulement cherché à comprendre des gens bien mieux informés que vous ? Sur la vaccination, j’ai beaucoup appris en lisant le livre du biologiste Michel Georget “Vaccinations : Les vérités indésirables”. http://www.amazon.fr/Vaccinations-v%C3%A9rit%C3%A9s-ind%C3%A9sirables-Michel-Georget/dp/2703305079

  2. Michèle Herzog 1 mars 2014 at 19:07 #

    Bonjour Monsieur,
    Je ne me suis jamais faite vacciner contre la grippe et ces derniers 50 ans je ne l’ai pas attrapée. Cet hiver j’ai été malade deux jours, mais ce n’était pas une vraie grippe. Dans beaucoup de cas, il n’est pas nécessaire d’utiliser des antibiotiques. Un mélange d’huiles essentielles permet de se soigner efficacement et évite que la situation ne se dégrade. Le vaccin ne devrait être administré qu’en cas d’épidémie vraiment grave. Et en aucun cas ne devrait être obligatoire. Meilleures salutations.

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