J’achète le journal. Le Soir, Bruxelles, édition du 3 juin 2014.
PAR BERNARD WALTER
Qu’est-ce qui se passe dans le monde ?
Rien du tout.
Pour ce rien du tout, le papier est tout noir. On noircit, noircit, noircit. Pour ne rien dire. Et il y a encore du monde pour acheter ce rien du tout. Qui lit tout ça ?
C’est un système qui tourne tout seul. Une bagnole, le moteur à fond les gaz, au point mort. Comme Wall Street.
Il n’y a que du noir vide dans le journal (à part le moribond roi d’Espagne sur une fière photo d’éléphant qu’il vient de tuer),
et on continue de l’acheter
(bon, c’est vrai, il va y avoir le Brésil, ça va donner un coup de boost pour quinze jours)
ça va continuer comme ça encore longtemps même si bientôt ceux qui alimentent le vide ne voudront plus mettre leurs appeaux publicitaires dans le journal parce qu’eux non plus ne seront pas lus avec le sérieux qu’ils estiment mériter
ça va continuer même si le journal meurt
car après il y a toujours autre chose, toujours le même vide, car rien ne se passe dans le monde, on le sait bien :
ignorez le problème et il disparaît.
Noircissez, noircissez, le noir noiera bien tout ça.
Il y a tant à noyer. Il faudra encore beaucoup noircir.
Je lisais le Bilan où on écrivait sur les disputes juridiques de deux riches sur une somme d’argent. Je me suis dite comme c’est étrange qu’on remplit la tête des gens avec des bagatelles alors que des grandes injustices se passent dans ce monde et on en parle pas (voir les inécoutés cas de Mme Herzog).