Pourquoi DEUX projets pour UN Conseil de presse en France?


En décembre 2014, l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP) en France fêtera son huitième anniversaire.

PAR JULIEN MASSENET

Huit années de réflexion, de lutte, de rencontres, de débats qui ont permis une sensibilisation de nombreux acteurs, professionnels, politiques et associatifs. Mais toujours pas de conseil de presse en vue. A moins que le projet alternatif des Indignés du Paf ne voie le jour.

Il y a huit ans, un petit nombre de journalistes et de citoyens se réunissaient dans les locaux de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, au sein de l’Alliance internationale de journalistes créée par cet organisme. Ils n’admettaient pas que les dérives journalistiques puissent prospérer sans être au moins signalées, sinon sanctionnées.

Mais comment faire pour obtenir un minimum de régulation de la profession journalistique qui ne soit ni un conseil de l’ordre (comme celui des médecins ou des avocats), ni un tribunal de la presse, mais une instance de débat critique (sur la déontologie), de médiation et de pédagogie ?

La solution d’un conseil de presse, dont de nombreux exemples existent dans les pays démocratiques, a paru la meilleure. S’ensuivirent la création d’une association ad hoc (l’Association de préfiguration d’un conseil de presse – APCP), un long travail de recueil de données sur le fonctionnement de ce type d’instance, une réflexion approfondie pour imaginer un projet adapté aux caractéristiques nationales ainsi que de multiples démarches. Objectif : sensibiliser les différents acteurs à l’idée qu’un minimum de régulation était devenu absolument nécessaire si la presse voulait retrouver un semblant de confiance de la part du public.

Des avancées manifestes

Revisitant ce passé, l’APCP peut se réjouir d’avancées manifestes : création d’un site dédié, parution d’une lettre mensuelle, création de l’Observatoire déontologique de l’information (ODI) ; ralliement de confrères, de certains syndicats de journalistes et de quelques groupements d’éditeurs à l’idée du CP ; sensibilisation du personnel politique qui s’est traduit par la publication d’un rapport sur la question ; etc.

Mais trop de journalistes ne sont pas encore convaincus de la nécessité de réguler leur travail sur le plan déontologique. Et, surtout, l’idée déplaît à la plupart des éditeurs. C’est là le principal point de blocage et la fragilité du projet de l’APCP qui a toujours choisi d’associer tous les acteurs concernés pour avancer.

C’est alors qu’entrent en jeu les Indignés du Paf, collectif de citoyens qui ne supportent plus que l’information, qualifiée d’« intérêt public », soit laissée sans obligation de rectifier ses erreurs, sans signalement ni réparation des manquements réguliers à la déontologie.

Le collectif a fait un moment partie de l’APCP et de l’ODI puis, impatient, les a quittés : « Nous ne pouvons plus nous contenter des débats et des discussions qui durent depuis plus de trente ans sans que rien ne soit fait pour stopper ou réduire les dérives de la presse ».

Un Conseil de presse avant la fin de l’année ?

Le porte-parole Philippe Guihéneuf a annoncé l’intention des Indignés du Paf de créer une instance de régulation de la presse d’ici la fin de l’année 2014 « si rien ne se fait dans ce sens d’ici fin juin ».

Alors qu’il y a quelques années, pratiquement personne ne savait en France ce qu’était un conseil de presse, voici que notre pays héberge maintenant deux projets concurrents !

Chacun a son intérêt et ses atouts : le professionnalisme de la démarche, la diversité de acteurs mobilisés, le lien avec l’institutionnel (organisations professionnelles, milieux administratifs et politiques), la persévérance (et l’ancienneté) pour l’APCP ; l’audace militante (ils ont obtenu la rectification d’erreurs, par exemple), la capacité à mobiliser le public par les réseaux sociaux, la liberté de ton et d’action, pour les Indignés du Paf.

 

> Les deux voies représentent à notre avis des facettes très complémentaires, chacune pouvant être très utile à l’autre. Parviendront-elles à se retrouver ? Ce serait souhaitable pour le triomphe de l’idée.

Pour ce faire, il faudrait que l’APCP soient moins prévenue contre des citoyens, un peu brouillons à ses yeux, qui œuvrent motivés par la pertinence – et l’urgence – de leur objectif. Et que, de leur côté, les Indignés enrichissent leur indépendance de quelques grammes de culture du compromis, ce qui leur ferait gagner en crédibilité.

Mais le fossé est grand entre une association qui tente de convaincre le système médiatique tel qu’il est d’accepter une « mise en questions » publique de son fonctionnement et des citoyens qui n’acceptent plus que l’information soit accaparée par une sorte de « cléricature » peu disposée à reconnaître et surtout réparer ses manquements.

Article paru dans “Ouvertures

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Un commentaire à “Pourquoi DEUX projets pour UN Conseil de presse en France?”

  1. Christian Campiche 21 juin 2014 at 09:03 #

    Si on attend le feu vert des éditeurs, on peut attendre longtemps. En Suisse où existe un Conseil de la presse depuis 1972, ce sont les journalistes qui ont créé cette instance pour prendre les devants et s’autoréguler. Les lecteurs – ils correspondent aux Indignés du PAF – en font partie, les éditeurs aussi mais depuis 2008 seulement. La dynamique reste dans le camp des journalistes. S’il reste perfectible, le système fonctionne et c’est cela l’important.

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