BNP, “ne mords jamais la main qui signe le chèque”…


Pour la BNP, «la banque d’un monde qui change» , un malheur n’arrive jamais seul. Comme le disait Jacques Chirac : «Les emmerdes, ça vole en escadrille».

PAR MARC SCHINDLER

Après l’amende de 9 milliards de dollars infligée par la justice américaine, voilà que la FINMA, l’autorité suisse de surveillance des marchés, frappe la banque française où ça fait mal : elle interdit pendant deux ans toutes les opérations avec des personnes ou sociétés touchées par des sanctions européennes ou américaines.

Dans un communiqué, la FINMA dénonce les fautes de la succursale genevoise de la BNP, celle qui traitait les affaires illégales, selon le droit américain, avec l’Iran, le Soudan et Cuba. La BNP avait construit un système pour contourner l’embargo américain. Un arsenal de combines pour tromper le fisc américain. Exemple : «Des clients soudanais ou iraniens indiquaient à BNP Suisse d’éviter toute référence au Soudan, ou à l’Iran, ou aux clients eux-mêmes dans les transactions, et ce, afin d’empêcher que les ordres de paiement ne soient détectés et bloqués par les filtres mis en place dans le cadre des paiements internationaux. BNP Suisse a donné suite à ces instructions, permettant dès lors l’exécution des transferts financiers.» Malgré les directives internes, «la référence au Soudan des transactions n’était donc pas saisie dans le système et les transactions se sont poursuivies». Quelques sous-fifres incompétents auraient violé les lois américaines? La FINMA n’y croit pas: «la FINMA poursuit ses investigations quant à la manière dont le conseil d’administration, la direction et d’autres employés de BNP Suisse étaient impliqués dans ces manquements».

Manifestement, ces cadres n’avaient pas lu ou pas bien compris les engagements de leur employeur: «Pour BNP Paribas, l’éthique commerciale est une priorité. Le Groupe a donc adopté une démarche responsable tant dans ses relations avec sa clientèle de particuliers, que par la maîtrise de l’impact social et environnemental de ses activités de financement et d’investissement.» Verdict: responsable et coupable. Les Américains ont exigé, le couperet est tombé. A la BNP, les têtes ont déjà roulé. Selon la “Tribune”: «Deux hauts dirigeants, dont le directeur général délégué Georges Chodron de Courcel, et une douzaine de banquiers liés aux opérations litigieuses ont ou vont quitter la banque en conséquence de l’affaire». La succursale de Genève a aussi fait le ménage.

La sanction américaine contre la BNP met en lumière le rôle de Genève comme plaque tournante du commerce international des matières premières. Plus de 500 sociétés internationales achètent et vendent des matières premières, des céréales, du café, du pétrole et du gaz. Des milliers de traders, d’avocats, d’affréteurs, de fiduciaires font vivre ce commerce grâce à l’appui des banques. Selon le site Genève, place financière: «les banques de Genève offrent essentiellement les sources de financement du négoce avec une large gamme de produits: garanties, prêts, préfinancement et post financement ou encore couverture des “risques pays”, etc. Les prestations des banques de Genève s’appuient sur un réseau international fiable, des liaisons privilégiées avec les grandes sociétés de stockage, un accès aisé aux bourses et à la gestion des liquidités. Genève possède désormais une main-d’œuvre très qualifiée dans le négoce international, son savoir-faire est un atout.» Ah, la compétence financière suisse, c’est du sérieux!

Dans l’affaire BNP, la réputation de la Suisse en prend un méchant coup. L’UBS et le Crédit Suisse ont été condamnées à des amendes en milliards de dollars pour aide à l’évasion fiscale. Le secret bancaire a volé en éclat sous la pression des Etats-Unis. Les clients français qui planquaient leurs millions en Suisse ont été fermement encouragés à les rapatrier dans l’Hexagone. Pour le négoce international, la fête est finie, souligne le “Temps”, qui n’a jamais été trop méchant avec les patrons. Mais, courage, l’avenir n’est pas si sombre: «Le secteur du négoce a malgré tout encore une chance de restaurer sa réputation. La semaine passée, le Conseil fédéral a refusé de lui appliquer de nouvelles règles venues des Etats-Unis. Un gage de confiance, et d’intérêt bien compris vu son poids économique, mais qui impose aussi une exemplarité en retour.» En clair, le gouvernement suisse applique le célèbre conseil du designer français Raymond Loewy: «Ne mords jamais la main qui signe le chèque».

 

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