Selfie vert à la sauce suisse


Un député vert, maire d’une ville industrielle à 25 kilomètres de Zurich, est le héros d’une farce politico-sexuelle qui fait ricaner la Suisse.

PAR MARC SCHINDLER

Geri Müller est un drôle de paroissien, dans la Suisse prude et bien élevée. Cheveux bouclés, petites lunettes, Monsieur le maire envoyait de son bureau à sa maîtresse virtuelle des selfies de lui tout nu. Sa compagne virtuelle, une enseignante, enregistrait sur son téléphone portable les photos et les SMS croustillants de son amant virtuel. Une main malveillante a envoyé ces selfies compromettants à la presse, qui en fait ses choux gras. Geri Müller est depuis 11 ans conseiller national (député), membre de la Commission de politique extérieure, farouche opposant au lobby nucléaire et aux marchands d’armes. Il est aussi pro-palestinien et ami du Hamas, dont il a invité des représentants au Parlement helvétique. Il a été élu maire de Baden en septembre 2013.

Scandale au pays du politiquement correct. Herr Müller a dû s’expliquer devant la presse. Candide, il a expliqué qu’il «avait honte devant la terre entière» et il s’est excusé pour sa faute, mais pas question de démissionner: les selfies, c’est une affaire privée. Ses camarades écolos sont bien embêtés: «Il y a quelque chose d’irréparable. On oublie qu’il fait de la politique depuis longtemps. Tout cela est mis entre parenthèses. Même s’il a effectivement commis une faute, la politique suisse mérite mieux que ce déballage.» C’est le moins qu’on puisse dire! Evidemment, les politiciens de droite le flinguent à boulets rouges et l’opinion bien-pensante s’étrangle: un politicien qui filme son zizi pour séduire sa maîtresse virtuelle, mais où va la Suisse?

Bien sûr, les fouilles-poubelle de la presse suisse à scandale ont mené l’enquête. Selon le quotidien le “Matin”: «Tout a commencé par un projet de livre sur les fantasmes érotiques, que la femme voulait écrire. Ça n’a jamais été une relation charnelle ou amoureuse. Puis les choses ont pris une tournure toujours plus bizarre. La jeune femme lui envoyait jusqu’à 30 SMS par jour. C’est pourquoi Geri Müller a voulu mettre fin à cette histoire. La jeune femme a interprété cela comme la fin d’une relation amoureuse et a menacé de rendre publics leurs dialogues sur Internet.» La maîtresse virtuelle dément: tout ça, c’est des mensonges, ce type est un obsédé sexuel qui chattait avec elle pendant quatre heures, la nuit. Bref, ça déballe à tout va.

Où ça se gâte pour Herr Müller, c’est quand il a demandé à la police d’intervenir pour empêcher la jeune femme de se suicider. Elle a une autre version: son amant virtuel voulait récupérer le téléphone portable. Le procureur local a tranché: pas de poursuite pénale pour abus de pouvoir. En attendant, Monsieur le maire a été suspendu de ses fonctions. Ce Gerigate nourrit tous les fantasmes. Certains journaux affirment que la jeune femme aurait été instrumentalisée par le Mossad (le service secret israélien) pour faire pression sur le politicien ami des Palestiniens.

Les ennuis de Geri Müller, c’est le feuilleton d’un été pourri où il ne se passe pas grand-chose en Suisse. Mais ça révèle pas mal de choses sur l’évolution des moeurs. Pourquoi un élu écolo perd-il les pédales au point de mettre sa carrière en danger pour satisfaire ses fantasmes sexuels? Vous me direz, en France, on a eu DSK, pas mal dans son genre! Tout le monde devrait savoir que poster des selfies sur les réseaux sociaux, c’est de la dynamite! Passe encore pour un ado boutonneux. Mais un politicien de 54 ans! La dignité de la fonction, le respect des électeurs, tout ça, c’est fini! Aujourd’hui, en Suisse, même le ministre de la Défense sacrifie au cérémonial bouffon du Ice Bucket Challenge et va se verser un seau d’eau glacée sur la tête.

Comme l’écrivait le philosophe français Bernard Andrieu: «La vie érotique moderne repose sur la transgression. C’est pourquoi beaucoup de relations sexuelles ont lieu sur le lieu de travail. Ces selfies ne sont donc pas très originaux. Alors que nos appareils passent automatiquement de l’espace privé à l’espace public, la question est celle de l’éthique de l’usage.» Manifestement, Geri Müller n’a pas compris que les selfies, c’est comme les baïonnettes: on peut tout faire avec, sauf s’asseoir dessus!

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