Sondages et votations, et si vous remboursiez!


Tous les lendemains de votations ont le même goût : l’amertume contre les sondeurs qui nous ont bernés.

PAR ROBERT CURTAT

Dans la catégorie l’Institut gfs.berne et son inamovible directeur au nœud papillon, Claude Longchamp, viennent de réaliser ce qui pourrait bien être un record : entre leurs prévisions sur l’initiative Ecopop et sur l’or de la BNS un écart de 18 points. Comme disait Bourdieu le sondage est une science sans savants!

Dans la liste des échecs l’institut cité, qui parait très bien en cour à la SSR, peut aligner encore l’échec du 9 février 2014 et de l’initiative contre les minarets. On en passe et des meilleurs. Une solide étude des rapports entre les sondages et les élections (1) nous indique que ses confrères à l’étranger ont pu émettre des pronostics plus mal construits dont l’impact s’est révélé encore plus négatif. En tête de liste figure l’institut français qui n’a pas mesuré, en avril 2002, l’avancée du Front national (extrême droite). L’abstention d’une bonne partie des électeurs allait servir cette composante de l’opinion publique française qui se retrouvait seule, les socialistes ayant été éliminés, face au représentant du centre-droit, Jacques Chirac.

La course de chevaux

Depuis les années trente et l’arrivée des instituts de sondage au Etats-Unis on a vu se développer un métier dont les analyses dictent par exemple le produit à mettre en tête de gondole dans un magasin de grande distribution. Si on élève ce sondage au niveau de l’opinion publique, on met en lumière, selon la définition du Robert, une  «enquête visant à déterminer la répartition des opinions sur une question, dans une population donnée en recueillant des réponses individuelles manifestant ces opinions».

Contre ce bel objectif un mot, évidement anglais, met dans le même sac le sondage d’opinion et les prévisions pour les courses des chevaux: que le meilleur gagne! Dans le combat politique ce pari masque toutes les autres données, y compris les programmes politiques des concurrents, pour limiter le débat à une seule donnée: le candidat Figue-et-noix devance de xx points son concurrent Concombre-en-branche qui semblait parti pour lui enlever le trophée.

Les analystes regardent, à la manière d’un colonel en retraite qui refait la bataille de Waterloo, ce que pourrait bien porter la carriole sondage une fois qu’elle serait sortie des ornières où elle est engagée. D’abord rien ne dit – ni les médias qui en raffolent, ni les hommes politiques qui y trouvent un réconfort narcissique – qu’on est prêt à se passer des sondages. Ensuite on admet, malgré quelques incidents, comme celui de 2002 en France, qu’il n’y a pas de corrélation entre un sondage, fût-il erroné, et le résultat d’une consultation populaire. Enfin la validation sociale des sondages est inscrite dans la société contemporaine même s’il s’agit, nous dit notre source (1), d’une croyance surréaliste.

Reste une question qu’on est en droit de se poser puisque, par notre taxe, nous sommes des actionnaires de la SSR: pourrait-on obtenir un rabais sur la facture de l’institut gfs.bern lorsque, ce fut le cas le 30 novembre 2014, l’annonce est aussi loin de son résultat.

Dans le milieu bien cravaté de la télévision romande on préfère ne pas répondre. Avec la componction d’usage, on a annoncé que la prévision comportait une marge d’erreur de 2 % en moyenne.

Et on est prié de les croire.

Sinon, ils ont l’arme absolue, ils pourraient nous priver de téléjournal…

 (1) Lionel Marquis, institut des sciences politiques de l’université de Berne.

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4 commmentaires à “Sondages et votations, et si vous remboursiez!”

  1. Bernard Walter 8 décembre 2014 at 00:36 #

    Merci Robert de cet article. C’est vrai qu’on ne se pose pas trop la question du sens de ces sondages. Ce qu’il faut dire, c’est que le sondage ne rendra jamais compte de ce qui peut se passer en dernière minute, d’où un petit pourcentage d’impondérable.
    Ceci dit, les sondages ne sont qu’un reflet de plus de notre société “sportive” que réfléchir ennuie. Ils sont là pour faire “mousser”, mais quoi de plus ? Sinon qu’ils représentent sans doute un outil de manipulation possible. Cela suffira-t-il pour nous émouvoir ?

  2. robert curtat 8 décembre 2014 at 08:13 #

    merci Bernard,

    Heureux de te retrouver à l’occasion de cet article. J’ai regretté la dernière rencontre de l’Essor mais je suis- jusqu’à la fin de l’année avec quelques répits – un patient.
    C’est vraiment le mot juste quand il s’agit de l’hôpital où je vais retourner le 16 courant.
    Pour cinq jours mais va savoir…
    Ton analyse est pertinente : le sondage n’est jamais qu’un miroir aux alouettes.
    Mais dans ce rôle il est irremplaçable.
    A bientôt j’espère.
    Mille bonnes choses en amitié
    Robert

  3. Bernard Walter 8 décembre 2014 at 11:16 #

    Merci Robert. Mes voeux et mon amitié t’accompagnent.
    J’aime bien le caractère irremplaçable du miroir aux alouettes !
    Bernard

  4. Schindler 9 décembre 2014 at 19:16 #

    Mais non, cher Robert Curtat, Bourdieu a tort. Le sondage n’est pas une science et les sondeurs sont tous sauf des savants ! Je les ai pratiqués, lors de sondages pour des émissions de la TV romande. Ce sont des techniciens qui vendent très cher leurs prétendues compétences et qui trafiquent les résultats sortis de leurs ordinateurs. Obtenir un rabais sur les factures de GFS, il faudra vous lever tôt, demain matin ! Bien à vous.

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