Affaire Swissleaks, combien sont-ils les nouveaux Falciani?


Hervé Falciani est-il vraiment un héros?

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

L’informaticien qui livra les fichiers de 3000 clients français de l’antenne genevoise de la banque HSBC s’est refait une virginité grâce au service éminent rendu à Paris. Le dictionnaire en ligne Wikipedia ne lui octroie pas pour rien les lauriers du lanceur d’alerte. Pour une partie de l’opinion publique, il est un dénicheur de fortunes planquées, un pourfendeur de fraudeurs, un dénonciateur d’injustices, bref un Robin des Bois moderne. Falciani ne finira pas pour autant au Panthéon mais il pourra bénéficier d’ici-là d’une rente de situation derrière un paravent plus ou moins étatique. Assurément un beau retour sur piste pour quelqu’un qui n’était au départ qu’un flambeur de casino, un espion, un voleur, un homme qui a trahi la confiance de son employeur, un parjure qui n’a pas respecté la promesse faite à la Police judiciaire helvétique de ne pas prendre la poudre d’escampette.

Le foin médiatique créé par l’affaire HSBC n’empêchera pas la justice suisse de suivre son cours. Avant la fin de l’année, Falciani sera jugé par le Tribunal pénal fédéral où il devra répondre notamment de violation du secret commercial et de violation du secret bancaire. Si l’on voit mal l’homme, toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international, se présenter docilement devant ses juges, on peut surtout craindre que l’événement judiciaire ne bénéficie pas de l’audience qu’il mérite. En effet, beaucoup d’eau coulera encore sous les ponts, d’autres établissements suisses, et non des moindres, risquent de subir d’ici-là à leur tour l’indiscrétion et l’opprobre, une perspective qui alimente l’angoisse de leurs états-majors confrontés à la menace d’un nouveau SwissLeaks. Tapis à l’ombre de leurs ordinateurs, combien sont-ils, les nouveaux Falciani, qui attendent la première occasion pour activer une transhumance de fichiers confidentiels?

Chronique parue dans GHI du 18 février 2015.

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8 commmentaires à “Affaire Swissleaks, combien sont-ils les nouveaux Falciani?”

  1. Yasmine Motarjemi 19 février 2015 at 10:19 #

    Un élement de réponse est donné par le film: 10% what makes an héro?

    http://www.haaretz.com/weekend/magazine/israeli-documentarian-tackles-the-question-of-what-makes-a-hero-1.409504

    Héro ou pas héro, la réalité des lanceurs d’alerte est décrite dans l’article du journal le Temps du 19 février 2015 intituté:

    SwissLeaks: l’avenir reste sombre pour les lanceurs d’alerte

    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b70200ec-b793-11e4-b703-7833333027ee/SwissLeaks_lavenir_reste_sombre_pour_les_lanceurs_dalerte

  2. Yasmine Motarjemi 19 février 2015 at 10:21 #

    Errata: a) intitulé et non intituté et b) Le Temps

  3. Christian Campiche 19 février 2015 at 10:50 #

    Héros ou pas? L’opinion de Yasmine Motarjemi dans le “Temps” répond indirectement à la question:

    “Dans l’affaire HSBC, quelles que soient la nature de l’affaire et les motivations des révélations, les informations rapportées dans les médias vont au-delà de ce qui est dans l’intérêt du public. En quoi cela nous regarde-t-il que des banquiers fassent des fautes d’orthographe ou de français dans leurs communications? En quoi les relations banquiers-clients, les détails intimes de la vie des gens, y compris les relations de couple, nous intéressent-ils?”

    La question se situe dans l’interprétation des dossiers mis à jour. Les médias devraient aller plus loin que la publication d’une liste et détailler les véritables enjeux, sinon ils entretiennent le soupçon de n’être que de simples agents du fisc. Coupable de blanchiment ou pas, HSBC? La réponse devrait venir du Ministère public genevois qui ouvre une enquête et perquisitionne dans les locaux genevois de la banque anglo-saxonne. A ce moment seulement, on pourra déterminer si l’intérêt public valait la confection d’une couronne à Falciani.

    Pour revenir au thème de la chronique, il y a deux poids, deux mesures entre l’affaire HSBC et le combat de Mme Motarjemi. Cette dernière mérite vraiment l’appellation de lanceuse d’alerte. Lire dans la rubrique de la Méduse, Les Inécoutés: http://www.lameduse.ch/2013/12/26/yasmine-motarjemi-les-employes-sont-decourages-de-rapporter-les-faits/

  4. Schindler 19 février 2015 at 14:46 #

    C’est vrai, Falciani est un personnage complexe, mi chevalier blanc, mi voleur de données bancaires. Il joue maintenant les provocateurs en demandant un sauf-conduit pour aider la justice suisse à réprimer la fraude fiscale, alors qu’il risque d’être condamné pour violation du secret bancaire. Mais quand on entend le procureur de la Confédération affirmer que le droit l’empêche d’agir contre la fraude fiscale, parce que le scandale de la banque HSBC a été révélé par la presse, à la suite des données volées par Falciani, on se dit qu’il y a encore quelque chose de pourri au royaume bancaire suisse.

  5. Juan Carlos 19 février 2015 at 16:57 #

    Les motivations initiales de Falciani m’importent peu. Il a déniché des cadavres d’une Suisse qui sent encore la mort. On a un gros travail à faire sur nous.

  6. Bernard Walter 21 février 2015 at 23:06 #

    Complètement d’accord avec Juan Carlos. Le délit d’un Falciani, si délit il y a, n’est qu’une goutte d’eau dans le mer, en comparaison de ce qu’il dénonce. Quel que soit son mobile, au moment où il dénonce, il passe ipso facto du bon côté de barrière, c’est-à-dire du côté de l’intérêt de la majorité des populations du monde.

  7. Christian Campiche 24 février 2015 at 16:56 #

    Combien sont-ils les nouveaux Falciani? Tel est bien le message de la chronique, plus que de savoir si Falciani est un héros ou pas. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que la réalité rejoigne mon hypothèse, à lire un article du “Temps” de ce jour, portant le titre “Le Ministère public enquête sur un vol de données chez UBS”.

    Extrait: “Une nouvelle affaire de vol de fichiers frappe une banque suisse. Le Ministère public de la Confédération (MPC) enquête sur un ancien collaborateur d’UBS qui travaillait dans la région bâloise; cet homme âgé de 41 ans est soupçonné d’avoir soustrait des données bancaires à son ex-employeur et de les avoir livrées contre rétribution aux autorités du Land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, révèle le Tages-Anzeiger lundi. Selon le quotidien zurichois, l’enquête aurait démarré il y a près de deux ans. Ce cas n’a pas l’ampleur de l’affaire HSBC et de la soustraction de données commise à Genève par l’ex-informaticien de la banque, Hervé Falciani. Mais les motifs de poursuites semblent similaires.”

  8. Yasmine Motarjemi 27 février 2015 at 13:47 #

    Les journalistes posent souvent la question « Lanceurs d’alerte: traîtres ou héros ? » . A mon avis cette question est mal posée et ne devrait pas être formulée de cette façon. Ceci nous pousse à prendre position si M. Hervé Faliciani est héros ou traître. Alors que souvent la situation est souvent bien plus complexe et c’est ni noir, ni blanc.

    De facto, un (e) lanceur (se) d’alerte est un héros (héroïne) car il/elle révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice concernant l’intérêt général alors qu’il/elle sait qu’il/elle risque sa carrière, son statut social, sa santé, des injustices (sanctions pénales) et met en danger le bien-être de sa famille.

    La question qui se pose est de déterminer si toute personne qui révèle des informations peut être qualifiée de lanceur/euse d’alerte.

    A mon avis non. Seules les personnes qui agissent dans le seul but de protéger la population, de prévenir d’un danger ou de dénoncer de graves infractions sont de vrais lanceurs d’alerte. Ceci même si elles ont dû obtenir les preuves de manière illégale.

    Ceux qui échangent des informations afin de réduire leur peine ou dans le but de recevoir des récompenses pécuniaires ne sont pas des lanceurs d’alerte, des héros. Sinon, même les criminels dans les prisons qui informent pour réduire leur peine deviendraient des héros.

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