Le billet d’Albert – Progrès, violence et sécurité


Pourquoi le progrès doit-il généralement s’accompagner de plus de violence?

PAR ALBERT EBASQUE

Pourquoi les rues étaient-elles plus sûres il y a cinquante ans qu’aujourd’hui? Pourquoi certains pays sombrent-ils dans une violence urbaine qu´ils n’avaient apparemment jamais connue auparavant? Avons- nous l’impression de vivre dans un monde plus dangereux car l’information circule mieux et plus vite qu’autrefois ou bien sommes-nous devant une réalité sociale et sociologique lourde? Ces questions sont au cœur de réflexions multiples qui alimentent des débats politiques sous tous les horizons. Et qui nous concernent tous en tant qu’individus, pères de familles ou simples observateurs de la vie de nos contemporains.

Le premier devoir d’un Etat est de protéger ses citoyens. Cette fonction régalienne fait défaut dans beaucoup de pays qui n’ont pas les moyens ou bien la volonté politique de la remplir correctement. Car sans sécurité, la vie est tout simplement infernale: les investisseurs ne créent pas de richesses et passent leur chemin; l’économie vacille et c’est tout le phénomène de redistribution qui en pâtit, pénalisant les plus faibles; et ce cercle vicieux donne le tournis car la violence finit souvent par l’emporter sur la raison et sur la loi. Cela est vrai dans de nombreux pays du monde, et notamment en Amérique latine.

Voici en effet un sous-continent ayant beaucoup évolué en un demi-siècle. Ce que les économistes appellent la FBCF (Formation Brute de Capital Fixe) y a très fortement progressé au cours de cette période, favorisant l’émergence d’une classe moyenne consommatrice et productive mais laissant aussi sur le bord de la route une large part de la population. La corruption, par ailleurs, une autre forme de violence, est endémique et a suivi ces courbes de l’évolution macro-économique. Et de nos jours les rues de Rio, Buenos-Aires et Caracas sont moins sûres qu’elles ne l’étaient il y a cinquante ans. La misère sociale a donc évolué avec la richesse globale du pays. Et aucun plan, aucune mesure ne semble devoir enrayer ce phénomène dont l’Amérique latine n’a pas le monopole.

Certes, la violence est inhérente au genre humain – comme au genre animal – et imaginer un monde d’où elle serait absente est parfaitement utopique. Plus d’éducation? Plus de lien social? Plus de subventions? Plus de travail donc plus de croissance? Un peu de tout cela sans doute. Mais aussi un Etat exemplaire, des politiques publiques efficaces, des moyens mieux utilisés et coordonnés. John Kennedy aimait à dire: «Quand la marée monte, tous les bateaux montent, les gros comme les petits». Sauf que dans la vraie vie, les gros montent plus vite que les petits et que parmi ces derniers beaucoup restent sur le rivage de leurs désillusions.

Un authentique progrès est donc à la fois harmonieux et homogène. Harmonieux car il crée les conditions d’un développement régulier tout en protégeant les citoyens; homogène car il s´efforce de n’oublier personne au sein du tissu social et des différentes couches de la société. En l’absence de solution miracle, le couple prévention-répression a encore de beaux jours devant lui. Car si le grand banditisme existera toujours, il est sans doute possible de travailler sur la petite délinquance – une forme d’apprentissage – qui trouve son origine dans l’éclatement familial, la crise identitaire, la misère sociale et une éducation bâclée. Le milieu associatif a ici son rôle à jouer et il faut le soutenir avec détermination. Et si de réels progrès sont réalisés dans ce domaine, le monde que nous laisserons à nos enfants sera un peu moins violent.

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Un commentaire à “Le billet d’Albert – Progrès, violence et sécurité”

  1. Arnaud Némoz 22 mars 2016 at 13:59 #

    J’aime bien cet article. Je trouve, moi aussi, qu’il y a beaucoup de violence dans ce monde. Des gens ont trop de pouvoirs, d’autres pas assez. Il y a d’autres faits que je n’aime pas particulièrement, comme les trop grands changements dans l’éducation. La VSO, qui a ruiné d’une manière presque démoniaque ma carrière et mes ambitions, n’existe plus. Que dois-je dire, moi qui n’ai plus de chance et ai échoué en VSG.

    Si j’avais été directement en VSG, je n’aurais sans doute pas eu ce problème. L’information reste une bonne chose, mais certaines nouvelles sont tronquées.

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