La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours


Si le lobby qui représente l’eau dans le monde arrivait à la faire privatiser par les dirigeants politiques, l’humanité entière deviendrait leur client captif! L’enjeu est juste incommensurable!

PAR LILIANE HELD-KHAWAM

L’eau. Ressource indispensable à la survie de l’homme est l’objet de toutes les convoitises des marchés financiers. Force est de constater qu’elle est en voie de devenir une marchandise comme n’importe quelle denrée alimentaire.

La demande qui ne cesse d’augmenter face à une offre qui ne cesse de diminuer ne manquera pas, là où elle est privatisée, de propulser le prix de l’eau à des sphères inaccessibles pour la partie la plus vulnérable des populations.

L’accaparement de l’eau est bien plus intéressant que celui du pétrole et du gaz. Vous pouvez vivre sans votre voiture. Mais essayez de vivre sans eau!…

L’Union Européen et les lobbies de l’eau n’ont jamais caché leur intention de privatiser ce bien de première nécessité que la nature offre gratuitement! Problème. Les peuples européens ne veulent pas de cette privatisation et des pétitions ont été lancées pour contrer ce mouvement. 1’884’790 personnes ont demandé en 2013 à la Commission européenne que l’eau soit considérée comme un bien public et soit exclue des règles du marché interne et des processus de libéralisation (mot qui en réalité veut dire privatisation et certainement à un moment ou un autre spéculation). Le processus ne s’est pas arrêté là et se poursuit à ce jour sous le nom de Right2water.

Mais revenons à la réalité financière du marché unique européen. Quelques chiffres montrent que les acteurs privés ne lâcheront pas de sitôt la poule immortelle aux inépuisables œufs d’or.

Le marché se chiffre à moins de 100 trillions de dollars américains (100’000’000’000’000)
Ces trillions sont évalués au prix d’aujourd’hui où l’eau est encore en grande partie en mains des services publics. Que deviendront ces chiffres si l’ensemble de l’eau venait à être privatisée?

A chaque fois que la privatisation des services publics est passée par là, les coûts impartis au contribuable-consommateur ont pris l’ascenseur paupérisant tous les jours plus la population.

Les promesses de baisse généralisée des prix grâce à un marché «ouvert», «libre» qui évolue dans une «saine concurrence» sont apparues comme autant de mensonges d’État.

Le marché est en réalité «cartellisé», «planifié», «subventionné», «manipulé», «spéculatif», «financiarisé» dont les activités finissent toujours dans le «négoce» et le «trading» du casino de la Finance. Et quand la spéculation a été trop loin, on peut toujours compter sur nos banquiers centraux privés pour qu’ils apportent les réserves financières du pays pour soutenir les indices boursiers à des niveaux artificiellement surévalués.

Pendant ce temps, les lobbies de l’eau s’activent partout. Un Forum appelé The MEP Water Group a été crée au sein du Parlement européen. Son but est, dit-il:

«Ecouter les besoins et les priorités du secteur de l’eau tels que réfléchis au niveau européen. Il se veut un moteur efficace pour positionner l’eau en haut de l’agenda politique européen et pour façonner la future politique européenne de l’eau.»

La Suisse n’échappe pas au processus. Et l’insistance du désir de vendre les barrages hydrauliques intimement liés au château d’eau potable (8% de la réserve d’eau potable du continent européen! Je vous laisse faire les calculs de la valeur inestimable…) nous a mis la puce à l’oreille.

La vente des barrages hydrauliques suisses pourrait constituer une étape qui conduit vers la privatisation de l’eau.

On pourrait dire que la deuxième étape pour aller vers la privatisation serait facilitée par une crise financière, des faillites du genre de Swiss Airlines ou quelque chose de plus lourd tel qu’un effondrement toujours plus probable de la BNS.

Les malheurs d’Alpiq pourraient aussi être un détonateur, si les mêmes équipes en place poursuivent la stratégie expansive et perdante menée jusqu’ici.

Une élite européenne, légitimée par un lobby financier transnational et qui n’a rien de démocratique, travaille ardemment à transférer les richesses et les ressources personnelles, collectives, publiques et naturelles à des cartels privés dont les uniques références sont les performances et la croissance financière. Son leitmotiv qui pourrait être «seule compte la croissance de la profitabilité» ignore parfaitement toute notion d’humanité et de bien commun.

Problème: les décideurs de Berne, de Paris ou d’ailleurs sont tout acquis à cette cause qui leur semble inéluctable.

Le blog de Liliane Held-Khawam.

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4 commmentaires à “La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours”

  1. Bernard Walter 29 mars 2016 at 19:47 #

    Merci de cette information plus qu’utile.
    L’eau est déjà l’objet de profits monstrueux.
    Mais vouloir généraliser la privatisation du premier bien de la Vie sur Terre, c’est le scandale total.
    Les riches mènent une guerre totale au monde qui ne peut finalement que conduire à leur propre ruine.
    Mon souhait profond: Que les générations à venir trouvent les ressources pour mettre à bas cette dictature de la finance et construisent mille mondes nouveaux.

  2. Heizmann 30 mars 2016 at 11:57 #

    Ce qui est particulièrement hallucinant, c’est que de la droite à la gauche de l’échiquier politique, demeure cette croyance que la privatisation est gage :d’efficacité, de réduction des prix pour les consommateurs, de modernité et de liberté du choix du fournisseur.

    De plus la dénonciation par des esprits éclairés comme celui de Liliane Held-Khawam, de ces pratiques de hold-up sur les droits régaliens des Etats démocratiques et progressistes que sont la sécurité, l’éducation, la santé et les transports-communications, est aussitôt taxée de populiste, de réactionnaire, de protectionniste et tout simplement de rétrograde.

    L’ombre funeste du fossoyeur des classes moyennes Milton Friedmann, a encore de beau jour devant elle…

    Osons le slogan : “Moyens de tous les pays unissez-vous!” Bon Dieu!

  3. Bernard Walter 30 mars 2016 at 12:16 #

    “Cette croyance que la privatisation est gage d’efficacité…”
    Mais, cher Heizmann, ils ne le croient pas, ils ne croient plus en rien, ils n’ont plus de conviction, plus d’idées, plus de pensée, ils sont les obéissants serviteurs des pauvres maîtres tout puissants actuels, et pour récompense, ils en retirent quelques avantages personnels.

  4. Mafalda 30 mars 2016 at 22:38 #

    Gauche droite est un concept éculé. Il n’y a plus de différence, ils appliquent l’un comme l’autre l’ultralibéralisme. La gauche prétend juste redistribuer et favorise les assistés, tout cela au détriment de la classe moyenne et du respect du bien commun, exemple Brouillard et Malice….
    Bonne idée, je me rallie volontiers à l’appel des moyens du monde entier…..

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