En faisant son deuil d’une certaine dignité, l’ « ordre » mondial entre dans une ère où le véritable pouvoir s’affichera sans fard


Il y a autant d’avis sur le G20 qu’il existe de médias dans le monde.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Un journal espagnol estime que le G20 recèle des opportunités, un quotidien polonais écrit qu’il a été une «catastrophe » pour l’Allemagne. Un titre italien a vu, lui, « une grande victoire pour Donald Trump ». Complètement à contre-pied, l’Agence France-Presse juge, elle, que le grand raout hambourgeois a reflété au contraire l’isolement de Donald Trump.

L’AFP prend probablement les désirs d’Emmanuel Macron pour des réalités. Le président français aurait bien aimé monopoliser l’attention aux côtés d’Angela Merkel. Hélas pour lui c’est la rencontre entre Poutine et Trump qui a fait le buzz.

Peu importe que l’on ne sache pas ce qui a figuré au centre des discussions. Les deux hommes utilisent un skype rouge qui leur permet de s’atteindre quand bon leur semble. Nul besoin d’un voyage à des milliers de kilomètres de son palais, qu’il soit de marbre blanc ou à coupole dorée, pour savoir ce que pense sa contrepartie de l’étendue de la zone de pêche au large d’un archipel norvégien, histoire d’y procéder à des sondages pétroliers.

Rien ne remplace par contre une bonne poignée de mains devant les caméras pour tranquilliser l’opinion. La catalyser dans le moule d’une gouvernance aux ordres des fabricants de leurres. Car c’est bien de cela qu’il s’agit au G20, comme au G8, d’ailleurs. Jeter de la poudre aux yeux. Laisser croire que des solutions au mal-être de l’humanité s’ébauchent dans une sérieuse concertation, n’admettant pas d’autre alternative. Surtout pas celle des tenants pacifistes d’un mode de vie différent dont les options constructives se voient annihilées par la publicité faite aux émeutiers dans la rue.

Plus rien ne sera peut-être comme avant après ce sommet fantasque. Créé en 1999 pour remédier aux dérives systémiques, le G20 devait concerner en premier lieu les présidents des banques centrales. Il s’est transformé au fil des années en rendez-vous des chefs d’Etat. Mais cette vocation dévoyée pourrait à son tour retourner sa veste.

En faisant son deuil d’une certaine dignité, l’ « ordre » mondial entre dans une ère où le véritable pouvoir s’affichera sans fard. Celui qu’exercent une centaine de multimilliardaires reliés entre eux au sein d’une amicale numérique. Pour les principaux actionnaires des groupes qui contrôlent l’économie mondiale, les dirigeants politiques ne sont que des pantins malléables à souhait.

Lire aussi “Le tango des prédateurs”, par Christian Campiche, Dictus Publishing, 2017

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3 commmentaires à “En faisant son deuil d’une certaine dignité, l’ « ordre » mondial entre dans une ère où le véritable pouvoir s’affichera sans fard”

  1. Martin de Waziers 13 juillet 2017 at 05:10 #

    Tellement vrai, ce pouvoir de l’argent tient bon, malgré une conscience de la population de plus en plus claire sur des notions comme le partage et la solidarité; alors, laissons-les s’amuser entre eux, du moment qu’ils nous laissent apporter notre contribution au quotidien! Martin

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    Sima Dakkus Rassoul 13 juillet 2017 at 10:04 #

    Tout cela est vrai, Christian. Une sorte de gangrène. D’écheveau dont les fils sont si imbriqués que tailler dans l’un met en danger des dessous encore plus complexes, plus vénéneux.
    La conscience des citoyens du monde produit des changements minuscules qui portent une force extraordinaires en eux. Seulement, la solidarité joue davantage par le haut, à cause des profits gigantesques en jeu, parmi d’autres facteurs, que par l’atomisation des petites divergences chez les citoyens lambda.
    En Asie centrale, en ce moment on parle de ce sommet en des termes crus, les mouvements de population insatisfaits et conscients qu’ils sont le “terrain de football” – a dit une députée afghane – d’un ensemble d’intérêts paradoxaux, contradictoires entre eux, qui laissent trainer une odeur de fumée, de poudre et de sang.
    Le paradoxe est que tout cela se passe à vue. Les médias afghans sollicitent les spécialistes du pays en matière de droits, de gouvernance et de politique étrangère. Ils ne divergent que sur les solutions possibles. Mais leur constat est unanime. Il faudra bien tenir compte de la carte politique actuelle du monde. Pourquoi ne le faisons-nous pas?
    Il faudra bien compter avec la conscience de toute une jeune génération afghane formée et bien informées sans illusion. Un jour un universitaire canadien formé en Suisse m’avait dit que si on voulait connaître l’histoire de la deuxième guerre mondiale, il fallait étudier ce qui s’était passé dans l’Asie centrale et l’Afghanistan en particulier. Dans la gueule du loup! Et si le morceau était trop gros?

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    Laurette Heim 13 juillet 2017 at 18:30 #

    Certes Martin,
    Mais la croisière s’amuse aux (grands, énormes, gigantesques) frais des populations: transports, hôtels, sécurité de plus en plus folle et j’en passe.
    Sans compter parfois les transformations des sites d’accueil . . . suivez mon regard, direction la Sicile.
    Alors que, comme l’écrit Christian, Skype est là! En plus des vidéos conférences qui existent depuis longtemps.
    De plus, comme les politiciens travaillent aujourd’hui en tweetsjob, dans l’instant, dans l’émotion, il est effectivement à se demander à quoi servent encore les vraies rencontres, hormis à faire de la comm’ ?

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