Chronique de Catalogne – “Bruxelles ne prend pas position, les citoyens européens seront les perdants”


La situation s’aggrave en Catalogne après que le président de la Generalitat de Catalogne, Carles Puigdemont, a suspendu la déclaration d’indépendance au lendemain du référendum du 1er octobre 2017.

PAR FRANÇOIS GILABERT, Barcelone

Il l’a fait dans le but de permettre l’instauration de négociations avec Madrid et avec l’espoir que l’Union européenne propose ses bons offices de médiatrice. Depuis, malgré les condamnations de nombreux eurodéputés et les inquiétudes exprimées par les membres de certains gouvernements, les offres de médiation se font attendre et engendrent une grande déception chez les Catalans qui ont voté pour l’indépendance de leur pays. D’autant que le gouvernement espagnol, estimant qu’il n’a pas eu de réponse à sa demande sur l’indépendance de la Catalogne, a clairement laissé entendre jeudi 19 octobre 2017 qu’il comptait poursuivre la suspension de l’autonomie de la région.

Il vaut la peine de revenir sur la manifestation du 17 octobre en soirée, ses minutes de silence, les cris de “liberté”, “liberté pour les prisonniers politiques”, “nous ne ferons aucun pas en arrière”, “indépendance”. Lors du passage de l’hélicoptère de la police espagnole, la foule scandait “dehors, dehors, les forces d’occupation”. 4000 policiers et gardes civils venant de toutes les régions d’Espagne ont prolongé leur séjour dans le bateau de croisière mouillant dans le port de Barcelone, dans l’attente d’une nouvelle intervention. Ils renforceraient les 6000 autres policiers déjà présents en Catalogne.

“Help Catalonia!” Les pancartes de la manifestation du 17 octobre demandaient l’aide de la Communauté Européenne. Autant dire  que l’absence de position de la part de l’Union Européenne est mal ressentie. Ce texte est tiré du manifeste diffusé avant-hier par l’ANC et Omnium cultural: “Quand la démocratie est fragilisée, le monde souffre. Tous les citoyens européens sont les perdants”. Après l’arrestation des deux chefs de file du mouvement civil pour l’indépendance, les citoyens catalans sont prêts à descendre à nouveau pacifiquement dans les rues de Catalogne, quoi qu’il arrive. Les prétextes pourraient ne pas leur manquer, si tant est que surviennent ces prochaines heures, ces prochains jours, des faits que tout le monde redoute: répression, abolition de l’autonomie de la Catalogne en application de l’article 155 de la Constitution espagnole, arrestations du président de la Généralité, Carles Puigdemont, du vice-président Oriol Junqueras et de la présidente du parlement catalan Carme Forcadell.

Sur le fond, il est indéniable que l’Espagne s’enferme dans l’autoritarisme, les interventions policières violentes, condamnations par voie judiciaire de dirigeants pacifistes ou de membres du gouvernement catalan, qui mettent en péril les fondements même de la démocratie: séparation des pouvoirs politique et judiciaire, droit de manifester, droit d’association – se font jour des rumeurs d’une interdiction des partis indépendantistes… En Espagne, l’auto-détermination des peuples, les questions de la territorialité, des différences, des identités plurinationales sont déniées, voire réprimées avec véhémence. L’auteur de ces lignes en veut pour preuve le silence du PSOE, qui n’a pas réagi aux arrestations des deux dirigeants pacifistes indépendantistes, ni à la violence policière lors du référendum du 1er octobre, démontrant son approbation de la politique menée par le Chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. Pablo Iglesias, dirigeant espagnol du grand parti Podemos, issu du mouvement des indignés, a été le seul à réagir contre les mesures répressives du gouvernement espagnol.

Samedi est prévue une manifestation massive à Barcelone. Y sont annoncées  “en défense des droits et libertés” des entités telles que les syndicats ouvriers CCOO, UGT, USOC, les syndicats patronaux Pimec, CECOT, des organisations culturelles, des paysans, professeurs, comédiens, etc. Des grèves générales sont à nouveau évoquées.

Dessin: Stephff

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Un commentaire à “Chronique de Catalogne – “Bruxelles ne prend pas position, les citoyens européens seront les perdants””

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    François Meylan 22 octobre 2017 at 23:35 #

    Je connais la Catalogne pour la fréquenter depuis une quarantaine d’années. J’y ai non seulement des amis mais aussi de la famille. Mais que faites-vous des nombreux Catalans qui n’ont pas envie d’indépendance? Il y a bien une crise en Catalogne. L’UE n’apporte pas d’appui aux putchistes, les grandes entreprises quittent le territoire les unes après les autres. “La Vanguardia”, quotidien renommé internationalement, implore les leaders sécessionnistes à reprendre le dialogue. Même le FC Barcelone refuse d’être manipulé.

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