Chronique catalane – Les élections du 21 décembre 2017, les dégâts de l’application de l’article 155 et la grandissante répression contre les indépendantistes


Les indépendantistes ont remporté les élections en Catalogne et ont obtenu la majorité absolue, en dépit de la répression du gouvernement espagnol et de ses efforts pour instituer un gouvernement unioniste adhérant au principe d’une Espagne indivisible “une, grande et libre”. Le parti de Mariano Rajoy a été le grand perdant de ces élections puisqu’il n’obtient que 4 sièges (11 en 2015), sur 135 députés que compte le parlement.

Le partido Popular a pour représentant en Catalogne Xavier Garcia Albiol qui, durant la campagne, a violemment combattu les partis indépendantistes, en fervent défenseur de l’article 155, et tenu des propos maniant l’offense, l’outrage contre les élus destitués et leur politique par exemple en les accusant de fomenter la haine, notamment dans le domaine de l’enseignement. Cette attitude n’a semble-t-il pas convaincu les électeurs catalans qui l’ont sanctionné ainsi que son parti actuellement au pouvoir en Espagne. Cette défaite s’explique également par la désastreuse situation économique que connaît l’Espagne et par la centaine de cas de corruption qui éclaboussent ce parti. La justice espagnole tarde à poursuivre les auteurs de ces délits. L’implication de Mariano Rajoy fait la une des journaux et il a récemment comparu devant une commission du parlement. Le “Guardian”, renommé journal anglais, s’est interrogé il y a quelques jours sur le contraste entre la rapidité et l’efficacité avec laquelle la justice espagnole a agi contre les personnalités compromises dans le processus d’indépendance en Catalogne et la lenteur qu’elle démontre à gérer les centaines de cas de corruption impliquant des membres du parti populaire au pouvoir.

L’article 155 appliqué au gouvernement catalan suite à la déclaration d’indépendance du 27 octobre 2017 a eu des conséquences gravissimes : la destitution du pouvoir exécutif catalan, l’exil du président, la dissolution du parlement et la mise sous tutelle de son économie, l’emprisonnement des conseillers et leaders du mouvement indépendantiste non-violents de l’ANC et d’Omnium cultural, le musèlement de la presse publique, une répression sans précédent des élus municipaux et des dirigeants des partis indépendantistes. De plus, le 155 et les mesures adoptées ont provoqué des dommages de grande ampleur dans l’administration de la Generalitat de Catalogne qui ne fonctionne qu’à un niveau bien inférieur à la normale, provoquant en chaîne des dommages au niveau des institutions, des organismes publics, des investissements économiques, des subventions culturelles. Sans parler du licenciement d’employés, la liste est longue.

A cela s’ajoute, et sur proposition de la garde civile, la mise en examen de personnalités ayant participé à des rassemblements pacifistes et des organisateurs des immenses manifestations pacifistes des sept dernières années, entre 1 million et 2 millions de personnes. Citons Pep Guardiola le célèbre entraîneur du Manchester city, Lluis Llac chanteur engagé durant le franquisme, Marta Rovira dirigeante du parti ERC (gauche républicaine) et Ana Gabriel dirigeante de la CUP (extrême gauche indépendantiste).

Et le parti Ciutadanos dans tout cela? C’est le parti qui a recueilli le plus de sièges: 36 sur 135. Son programme en résumé : en terminer avec la monothématique du processus indépendantiste afin de parvenir à une nouvelle étape de “vivre ensemble”, de stabilité économique et de démocratie en Catalogne. Il souhaite récupérer la normalité et l’autonomie de la Catalogne en prônant l’union avec l’Espagne et l’union des catalans, proclamant que les indépendantistes ont semé le clivage dans la société catalane depuis plusieurs années. Depuis l’avènement de la démocratie en Espagne, affirment même certains. Mais derrière ces vœux pieux, se cache une idéologie qui souhaite un nivellement de la société catalane et un effacement progressif de son l’identité , de sa langue, de sa culture, tant dans le domaine de l’éducation qu’au niveau de la créativité et du dynamisme de son économie et des avancées sur le plan social. Il s’agirait bel et bien d’une régression anté-statut d’autonomie de 2006 déjà fortement découpé par le tribunal constitutionnel et qui avait provoqué un soulèvement dès 2010 et une montée de l’indépendantisme. Fervent partisan de la répression de l’indépendantisme en Catalogne et bien accordé avec le parti de Mariano Rajoy, il invoque la division et développe l’idée que l’émigration provenant de toute l’Espagne depuis les années 1950 et 1960 et des années qui suivirent, et qui a fini par s’établir en Catalogne à la recherche d’un travail et d’une vie meilleure, souffre d’une sorte de discrimination et d’une politique oppressive du gouvernement indépendantiste. Propos de propagande, puisque les partis indépendantistes dans leur ensemble ne se réclament pas de l’extrême-droite, mais d’un pluralisme idéologique allant du centre-droit à l’extrême-gauche et déclarent à l’unanimité que la Catalogne est plurielle et diverse et que les valeurs de la république qu’ils revendiquent sont basées sur des préceptes fondamentaux tels que le respect de la différence, le respect de l’être humain quelque soit ses origines, définis par la déclaration des droits de l’homme. D’ailleurs, la loi sur la transition juridique et constitutive de la république (transitorietat) votée par le parlement catalan le 8 septembre 2017 stipule, qu’en cas d’indépendance, les habitants de la Catalogne auront la liberté de choisir leur passeport, de garder le leur, opter pour la nationalité catalane ou pour la double nationalité. Ils ne seront pas considérés comme des citoyens de seconde zone, mais bien de première zone, pour répondre aux propos tendancieux de Mme Inès Arrimadas, dirigeante du parti Ciutadanos, mais également à ceux empreints d’inquiétude émis dans la presse suisse par Joseph Zizyadis.

La presse romande, journaux, radios et télévision publiques, contrairement à la presse alémanique, européenne et notamment française, qui a récemment critiqué l’attitude rigide et répressive du premier ministre espagnol Mariano Rajoy sur sa gestion de la crise catalane, s’est contentée de relever certains faits, le plus souvent en faveur de Madrid. Elle semble couvrir l’information en s’appuyant sur des journaux qui ont perdu toute neutralité comme “El Pais, “El Mundo”, “La Razon” de Madrid, et “La Vanguardia” et “El Périodico” de Barcelone. Ils n’ont sans doute pas pris la peine de contacter les journaux favorables à l’indépendance comme “El punt avui”, l'”Ara” ou les titres en ligne tels que Vilaweb, el Nacional ou naciodigital.

L’actualité nous annonce que M. Rajoy vient de convoquer la session constitutive du parlement de Catalogne pour le 17 janvier 2018. Les partis indépendantistes majoritaires devront se concerter afin de présenter un candidat président et un candidat vice-président et souhaiteront selon toute vraisemblance rétablir leurs leaders dont l’un est exilé en Belgique, le président Puigdemont, et l’autre l’autre croupit dans les geôles d’Estremera, non loin de Madrid, M. Junqueras. M. Rajoy s’est entretenu avec le leader du parti Ciutadanos, M. Rivera, et les deux se sont accordés en faveur d’une prolongation de l’application de l’article 155 tant que les partis indépendantistes ne se soumettront pas à la constitution espagnole. La situation risque donc de s’enliser dans une spirale de résistances de la part des indépendantistes, alors que les deux dirigeants de l’ANC (Assemblée Nationale Catalane) et d’Omnium cultural (organisations pro-indépendantistes et pacifistes de la société civile), MM Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, sont toujours derrière les barreaux, considérés comme délinquants pour avoir défendu leurs idées.

François Gilabert

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15 commmentaires à “Chronique catalane – Les élections du 21 décembre 2017, les dégâts de l’application de l’article 155 et la grandissante répression contre les indépendantistes”

  1. Verena Valle 30 décembre 2017 at 11:01 #

    Merci pour cet article et pour avoir relevé l’influence que Rajoy et ses journaux ont eu dans les publications de la presse romande.

  2. Chus Díaz 30 décembre 2017 at 11:32 #

    Merci la Méduse pour cet article, très clair sur la situation en Catalogne. Merci aussi de dénoncer le manque de perspective et d’analyse critique sur la question catalane de la part de la majorité de la presse romande qui apparemment, ne prend pas en considération les points de vue de la presse en catalan.

  3. Christian Lecerf 30 décembre 2017 at 14:10 #

    La victimisation est au cœur de la statégie des indépendantistes. Ceci étant dit, quelqu’un pourrait-il m’expliquer clairement en quoi consiste le projet de société d’une Catalogne indépendante, et ce notamment par rapport à la situation de ces dernières années?

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    François Meylan 30 décembre 2017 at 16:21 #

    J’ai sincèrement tenté de lire jusqu’au bout ce nouveau texte de « propagande » de François Gilabert mais j’ai finalement décroché à son milieu tant il tient du fantasme et de la désinformation.
    Il omet de mentionner des éléments pourtant cruciaux sur la situation. Premièrement, la Catalogne a plébiscité par le biais des urnes à plus de 52 % le camp des “non” séparatistes. Secondement, ces mêmes séparatistes sont devenus maîtres de la démagogie et de la manipulation au point de supprimer les 20% d’enseignements obligatoires en castillan dans les jeunes classes catalanes, au grand dam de nombre de parents. La Catalogne n’a jamais eu autant de prérogatives qu’aujourd’hui. Elle en a autant voire plus qu’un canton suisse. Nous voyons traces des lobbyistes séparatistes de la Suisse – ils sont venus pleurer dans le gilet encore récemment à Genève – aux États-Unis. Dans les écrits de Monsieur Gilabert qui s’apparentent de plus en plus à une rengaine, il manque, à chaque fois, deux éléments clés :

    1) Que faire de la majorité des Catalans qui n’ont aucune envie de se séparer des autres autonomies espagnoles ? Ils ne sont de loin pas moins catalans que les autres.

    2) Qui trouve-t-on dans le camps des séparatistes ?

    Papa de jeunes enfants catalans et amoureux de la Catalogne depuis mon enfance, je vais répondre à la seconde question.

    Le seul trait d’union qui unit aujourd’hui le camp séparatiste est l’antagonisme. C’est l’insistance sur le bouc émissaire Madrid. On y trouve aussi bien une bourgeoisie catalane jouissant de privilèges quasi féodaux, des affairistes toujours pas blanchis des magouilles immobilières et financières de la grande folie spéculative des années 2004 à 2008 et encore d’autres qui sont ouvertement anti-système et qui par le truchement de l’indépendance entendent faire la guerre au capitalisme.
    Face à une telle alliance entre l’eau et le feu, il y a à craindre pour le sort des 52% de Catalans qui se sentent autant espagnols et qui n’ont aucune envie de sédition. Ceux-là mêmes qu’on taxe de fascistes quand ils osent s’exprimer.

  5. Eulalia A. 30 décembre 2017 at 17:47 #

    Merci pour cet article qui informe clairement et objectivement de la situation en Catalogne. La désinformation et les propos insultants de la part des hommes polítiques contre les indépendantistes catalans ont été une honte. Cela pour attiser la division entre indépendantistes et unionistes.

  6. Raoul Lema 30 décembre 2017 at 19:04 #

    Une vue un peu partiale du problème, votre article.
    Vous oubliez de parler du racisme subi par les non-indépendantistes.
    Renseignez vous bien avant d’écrire de tels articles.

  7. Pierre Rottet 30 décembre 2017 at 20:52 #

    Voilà bien un papier que j’aurais souhaité voir dans n’importe quel quotidien romand. Et français. Notamment. Mais pour cela, il faut s’informer, chercher, rechercher, poser les bonnes questions sur les acteurs politiques qui défendent le défunt PP en Catalogne et son pendant Ciudadanos. Presque en pire, dirais-je, l’histoire du mouvement en moins. Lorsque j’avais rencontré les représentants de ces deux partis, il y a 3 ou 4 ans à Barcelone, dans le cadre d’un reportage, j’avais été surpris par les pauvres arguments avancés par les représentants du PP. Et tellement abasourdi par ce qu’entendaient – entendent – défendre les têtes de Ciudadanos. Et lorsque je dis défendre, je veux bien dire détruire l’identité de la Catalogne. Y compris en faisant table rase du passé pour ce que représente la Catalogne dans sa spécificité propre, l’enseignement du catalan dans les écoles. Les autres partis furent sans surprise claire dans leurs intentions. Merci, Monsieur François Gilabert, pour m’avoir donné de lire ce que je n’ai vu nulle par ailleurs. Mais pour cela, je pense qu’il est difficile de le faire en demeurant assis dans une salle de rédaction, et de s’abreuver aux sources tronquées des médias cités Et je ne parle pas des zisyadries banales. Pour les débiter, gageons qu’il n’est nul besoin de se rendre à Madrid. Cela dit, il n’est pas le seul. N’est-ce pas? Et dire qu’il en va de l’info sur la Catalogne, comme il en va de bien des ailleurs dans le monde. Muchas gracias, entonces, Señor! Et je ne voudrais pas, comme l’a fait Walter, oublier de remercier La Méduse.

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    Laurette 30 décembre 2017 at 22:13 #

    Une interview de Lluis Llach, le chanteur engagé contre le franquisme, actuellement député au Parlement de Catalogne, dont il est question dans l’article de François Gilabert, par Rédac Equinox Radio Barcelone le 29 septembre, 2017 Crise catalane.

    Allez tout en bas de la page : http://www.equinoxmagazine.fr/2017/09/29/lluis-llach-nest-a-age-quon-mempechera-de-voter/ et choisissez : “Ecoutez le podcast intégral”.

    Cette interview est intéressante à comparer avec l’article du Figaro publié le 29/09/2017 intitulé :

    “Lluis Llach, chanteur de l’antifranquisme, devenu prédicateur indépendantiste. Celui qui remplissait les plus grandes salles de concert, à Paris, Londres, Barcelone ou Madrid, celui qui fut également le compagnon de route de toutes les gauches, est désormais allié aux nationalistes de droite”.

    Ici: http://www.lefigaro.fr/international/2017/09/29/01003-20170929ARTFIG00331-lluis-llach-chanteur-de-l-antifranquisme-devenu-predicateur-de-independantisme-catalan.php

    Et à celui de Libération du 05.07.2017 intitulé :

    “Lluis Llach, de chanteur menacé à député menaçant”.

    Ici : http://www.liberation.fr/planete/2017/07/05/catalogne-lluis-llach-de-chanteur-menace-a-depute-menacant_1581833

  9. Schopfer Martine 31 décembre 2017 at 13:51 #

    Cher Monsieur Meylan,
    Je vous remercie de contribuer à ce journal de la Méduse par des articles souvent d’intérêt. Mais ici votre commentaire sur l’article de M. François Gilabert, est des plus agressifs, offensant et de très mauvaise foi, d’abord pour l’auteur de l’article et ensuite pour le contenu de son texte. Vous avez de la famille en Catalogne et je vous en félicite, mais il semble que vous ne connaissiez pas encore très bien l’histoire de ce pays, sa culture, son mode de vie et sa langue. Conduit par vos émotions ne seriez-vous devenu vous-même un grand manipulateur? En effet le 52 % d’unionistes est une vue de l’esprit, les indépendantistes ont bel et bien gagné les élections en Catalogne et ont une une majorité absolue, c’est un fait et non de la propagande. Afin d’apporter quelques nuances, voici les résultats finaux des élections. A Barcelone l’indépendantisme a battu les partis unionistes : 45,8% des votes indépendantistes (ERC-Juntsxcat-CUP) contre 43,4 % des espanyolistes (C’S-PSC-PP) et 9,3% d’indéfinis (CatComu-Podem). Dans l’ensemble, avec une haute participation de 82%, les indépendantistes obtiennent 2,06 millions de voix contre 1’902’061 voix pour le camp espagnoliste. M. Meylan, je vous rends attentif au fait que vous comptabilisez le nombre de votes des “indéfinis” (323 695 voix) qui, dans leur programme souhaitent un référendum pacté.
    Permettez-moi également de vous contredire sur la suppression de 20% de cours obligatoires en castillan. Le statut d’autonomie de 2006, prévoit une immersion linguistique du catalan, fortement persécutée durant les années noires du franquisme et qui lutte pour contrer le courant d’espagnolisation du PP durant ses dernières années, souvenez-vous du Ministre espagnol de l’éducation M. Wert. Ensuite, vous prétendez que la Catalogne a le même statut qu’un canton suisse et même plus. Et bien non Monsieur, l’Espagne n’est pas une confédération et les communautés n’ont pas les mêmes prérogatives qu’un canton suisse. La Catalogne n’a pas de constitution propre, n’a pas la liberté de gérer son budget et de prélever les impôts. Imaginez le canton de Zurich, attendre de manière arbitraire la répartition de ses impôts par Berne. En Suisse, nous avons des cantons qui jouissent d’indépendance et sont liés à un pacte et un système qui répartit équitablement les richesses et c’est loin le cas en Catalogne. En Suisse on respecte les quartes langues nationales et ce n’est pas le cas pour l’Espagne où le Basque, le Catalan, le Galicien ne sont pas reconnues comme langues au Congrès espagnol et je pourrais vous donner d’autres exemples encore. Concernant le thème de la bourgeoisie catalane, je vous rappelle qu’il y a plus d’une centaine de cas de corruption non encore jugés et qui éclaboussent M. Rajoy et son parti populaire. Enfin, il semble que vous soyez tout-à-fait acquis à la façon dont M. Rajoy a tenté de résoudre la question catalane et alors, quel respect avez-vous pour ceux qui revendiquent de façon légitime leur droit à l’autodétermination de leur peuple? Approuvez-vous la violence policière lors du de la tenue du référendum du 1er octobre 2017? Approuvez-vous l’incarcération de prisonniers politiques? Approuvez-vous l’application de l’article 155? La mise en examen de maires,d’enseignants, de policiers et de gens respectables pour avoir défendu leur cause?

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    François Meylan 31 décembre 2017 at 15:55 #

    Madame Schopfer,

    Je m’excuse d’avoir de la famille catalane et qui y vit encore. Notamment, à Cambrils et à Torredembarra. C’est près de Tarragone. Je m’excuse aussi d’avoir eu un arrière grand-père (Badalona) qui a connu la torture et les geôles de Franco. Aussi, nous n’allons pas polémiquer sur qui entre vous et moi connaît mieux la Catalogne. Il me faudrait bien plus que l’espace dédié à un droit de réponse pour lister mes liens professionnels, familiaux, historiques et sentimentaux avec la Catalogne. Pour la petite histoire, j’ai également deux cousins républicains et chacun père de famille que la Guardia Civil est venue chercher un matin. On ne les a plus jamais revus. À l’époque franquiste, il n’était pas rare d’enterrer vivants les opposants à la dictature dans de la chaux. Mais dans ce dernier cas, cela s’est passé en Andalousie – région également très riche historiquement et culturellement – et non en Catalogne. Eh oui, j’ai aussi de la famille en Andalousie. Ceci pour ajouter que toutes les régions d’Espagne ont souffert du franquisme. Mais toutes aujourd’hui – y compris les Basques et plus de la moitié des Catalans – ont décidé d’aller de l’avant. Contrairement à une poignée de séparatistes qui se sont, durant trente ans, joués de la victimisation et de la propagande à des fins strictement politiques et très égoïstes. La Catalogne n’a jamais constitué une nation, contrairement à ce qui a été stipulé dans son ancienne constitution votée à l’automne 2008. J’y étais et j’y vivais. Et si le terme nation avait été remplacé par « peuple d’Espagne », ce que nous étions beaucoup à demander, ladite constitution n’aurait pas été invalidée par la suite et la Catalogne pourrait aujourd’hui prélever ses propres impôts, de la même manière qu’au Pays Basque. Précisons aussi que sur le plan de la redistribution des richesses, la Communauté de Madrid paie plus aux autres régions que la Catalogne. Ceci pour en finir avec les séparatistes qui scandent depuis bien trop longtemps et à tort que « l’Espagne nous vole ! ».
    Avec son propre système scolaire, sa propre police, ses ferriés, sa langue, ses coutumes et même son système pénitentiaire, la Catalogne a rarement eu autant de prérogatives. Concernant les élections du 21 décembre, vous le savez comme moi, quelques régions rurales ont un poids en nombre de sièges plus important proportionnellement que les villes. Et si il est vrai qu’une courte majorité des sièges sont revenus à l’alliance contre nature des séparatistes ce ne sont pas moins 52 % des suffrages qui ont plébiscité l’autre camp. Vous savez, celui dont François Gilabert ne parle jamais. Celui dont une partie de ma famille fait partie et qui n’est pas moins catalan que la frange des séparatistes dont on ne connaît toujours pas le programme. Eh non, je ne suis pas enchanté que Rajoy ait réagi avec tant de maladresse. Je ne suis pas non plus sympatisant du PP. Et ce n’est, dans tous les cas, pas la Guardia Civil – pour des raisons déjà symboliques – qu’il fallait envoyer en Catalogne lors du référendum illégal qui ressemblait, de vous à moi, plus à du théâtre de rue qu’à un processus démocratique structuré et légitime. Mais en regardant dans le rétroviseur, la critique est toujours aisée. Pour moi, les séparatistes ont semé durant des décennies la haine, l’antagonisme, le racisme, la division, la victimisation et la manipulation. Je prie pour qu’on n’en arrive jamais aux armes dans cette si belle région où tout le monde vivait, il y a encore peu, en harmonie sur l’autel de la double culture. Et sans oppression aucune. Parce que le véritable antagonisme se situe entre les Catalans et non avec Madrid.

    Écoutez Alain Finkielkraut qui résume divinement bien ces soucis de gosses de riches. (Lien ci-dessous).

    Sur ce, je vous souhaite, Madame Schopfer, un très bon nouvel an.

    https://youtu.be/5JtU35iRUWg

  11. Alan Costa 31 décembre 2017 at 18:39 #

    Cher Monsieur Meylan,
    On se retrouve à nouveau après quelques mois passés dans la crise catalane.
    Votre discours agressif et toujours autant rempli de haine envers une partie des catalans continue de faire polémique sur ce si bel espace de partage qu’est la Méduse. J’en suis bien désolé.

    J’aurai une chose à vous dire pour reprendre vos paroles et en vous renvoyant la balle (car le dialogue est difficile avec vous):

    “Pour moi, Monsieur Meylan a semé durant ces derniers mois, la haine, l’antagonisme, le racisme, la division, la victimisation et la manipulation sur cet espace de dialogue”

    En espérant que vos programmes politiques personnels tiennent plus la route que les propos abordés dans vos commentaires, je vous souhaite une belle année 2018. Et que les urnes puissent nous démarquer une bonne fois pour toutes.

    En vous souhaitant une agréable soirée de nouvel An.

  12. Josep-Maria Soler 1 janvier 2018 at 12:31 #

    Pour la Catalogne, l’état d’exception est encore là et c’est assez dur.
    Comment négocier avec quelqu’un qui triche en permanence (avec les lois, avec les délits, avec le réel) ? (prison “préventive”, suspension “préventive”, délit “d’intention”, etc. Elles sont où la présomption d’innocence? le bénéfice du doute? )
    Comment négocier avec quelqu’un pour qui le mot négocier veut dire perdre?
    Comment négocier avec quelqu’un qui a besoin d’une tête de turc pour se sentir puissant?

    D’ailleurs dans les élections 21 D (que les indépendantistes ont encore gagné par majorité absolue) le PP a perdu toutes les plumes, ils sont à 4 députés sur 135, mais ils gouvernent l’Espagne.
    Ciudadanos (une sorte de MSG, populiste à souhait) la force la plus votée de peu mais loin, très loin de la majorité. Ciudadanos, c’est fait un devoir de diviser la société catalane, d’ailleurs ils s’attaquent à l’école catalane, cette école qui est admirée par tous les pédagogues d’Espagne et qui réussit à obtenir des meilleurs résultats que la moyenne (PISA) pour les élèves catalans (je vous le donne en mille) en langue espagnole.
    La situation est bien complexe mais pas seulement où certains voudraient
    Bonne année

  13. Josep-Maria Soler 1 janvier 2018 at 16:26 #

    Sur les accusations dont on inflige les politiciens catalans lire les opinions de:
    José Antonio Martín Pallín (magistrado emérito del Tribunal Supremo) qui dit textuellement:
    “il n’y a pas d’indices de rébellion, sédition et même de malversation d’argent dans les comportements des politiciens catalans […] autre chose est qu’il nous plaise ou pas qu’ils achètent des urnes” “la même chose pour le prison préventive puisqu’ils ne représentent aucun risque social”.

  14. Lluis 2 janvier 2018 at 09:44 #

    Merci de ramener un point de vue sur la question catalane souvent caché par les médias romands et français, trop souvent alignés avec le point de vue du Madrid officiel.

  15. Cordero lopez julio 3 janvier 2018 at 23:39 #

    Je vous invite à regarder le reportage suivant: https://www.arte.tv/fr/videos/079502-000-A/catalogne-l-espagne-au-bord-de-la-crise-de-nerfs/.

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