Cachotteries


Voilà une nouvelle dont les médias n’ont fait aucun cas, les correspondants parlementaires encore moins que les autres. La démission surprise d’un grand commis de l’Etat aurait dû pourtant les interpeller. Jörg Gasser, lit-on sur le site du Département fédéral des finances, quittera le SFI à la fin du mois de février 2019. 

SFI, comme Secrétariat d’État aux questions financières internationales, késako? Pour avoir une idée de l’activité du partant, lisez le résumé de la biographie de l’intéressé, telle qu’elle est diffusée sur la toile. M. Gasser « a été étroitement impliqué dans tous les dossiers importants en matière de politique financière, fiscale et monétaire internationale ». Mais ce n’est pas fini. Jörg Gasser, poursuit le communiqué, « a également tracé la voie en ce qui concerne le cadre et la réglementation dans les secteurs des technologies financières et de la chaîne de blocs. L’entretien des relations bilatérales et l’intensification de la collaboration avec de nouveaux marchés et des marchés émergents, Asie, Proche-Orient, Amérique latine, comptaient parmi les tâches fondamentales. Sous sa direction, le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales s’est imposé en tant qu’institution majeure pour la promotion de la place financière suisse. »

Reprenons notre souffle. Si l’on en croit Berne, l’intéressé est un personnage incontournable de la politique étrangère helvétique. Bras-droit d’Evelyne Widmer Schlumpf, il avait succédé à Jacques de Watteville il y a moins de deux ans et demi. On ne connaît pas les raisons de sa décision, on sait seulement qu’un épineux dossier repose sur son bureau, à savoir l’équivalence boursière, pierre d’achoppement entre la Suisse et l’Union européenne. En d’autres termes, Bruxelles menace de refuser aux banques européennes le droit de continuer à négocier des actions suisses. 

Jörg Gasser entend entamer une nouvelle orientation professionnelle, selon la formule consacrée dans la langue de bois. Mais il n’a que 49 ans et aurait encore beaucoup à apporter à son pays. Pourquoi, dans  ces conditions, le chef du Département des finances le laisse-t-il partir? Ueli Maurer ne pipe mot, son seul commentaire a été de regretter « sincèrement »  le départ de Jörg Gasser. Il évoque une collaboration « extrêmement bonne et fructueuse ».

Reste qu’un négociateur clé s’en va sans que la population n’en réalise l’enjeu. Ce n’est pas la première fois. Déplacé à Moscou en 2016, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Yves Rossier, avait eu droit à d’abondants commentaires dans les journaux. Mais, il y a quelques mois, la démission de Mauro dell’Ambrogio, secrétaire d’Etat à la recherche, n’avait pas été annoncée à grands coups de trompette non plus. La presse l’avait même apprise incidemment. Jörg Gasser est le troisième secrétaire d’Etat que la Suisse perd en deux ans. Le dernier d’une lignée de hauts fonctionnaires qui, autrefois, étaient incontournables dans le processus de décision, les coussins des conseillers fédéraux. Comment expliquer une telle évolution? Pourquoi le peuple est-il si mal informé? Dans quel pays de cachotiers vivons-nous?

Christian Campiche

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