On détruit, on construit, on détruit, on construit


Grues à perte de vue. Le canton de Vaud se couvre de verrues. Les chantiers pullulent au centre des villes ou en rase campagne. Dans la région de Morges, les lotissements poussent comme des champignons et font exploser la population des villages. 

On détruit, on détruit. L’inscription au patrimoine ne suffit pas à protéger des édifices historiques. Ils sont abattus à l’instar des anciennes halles CFF à Lausanne. La spéculation immobilière bat son plein au point que les entrepreneurs du bâtiment se livrent une guerre sans merci. Procès par ci, par là. Qui gagnera? Le jeune loup venu des Balkans? Ou le vieux playboy aux bolides rutilants? Une ministre se défend de toute collusion avec l’envahisseur. Il est vrai que les élections fédérales approchent…

Qui dit bâtiment, dit aussi déchets. Et décharges. A quel sous-sol confier les gravats de la spéculation immobilière? Aux portes de Genève, des terrains agricoles où paissent de paisibles ruminants sont la cible de ceux-là même qui érigent tours et villas. Dans le Gros-de-Vaud, la révolte gronde contre des projets portant atteinte à la beauté des lieux. Le combat est inégal. Bucoliques ruisseaux, tendres bosquets et poétiques sentiers ne font pas le poids face aux 30 tonnes qui sillonneront ces régions pour y planquer les matériaux dits inertes issus des chantiers.

On construit, on construit. La loi de la vie, me direz-vous. Et puis, quand le bâtiment va, tout va, non? Oui, sauf que lorsqu’il est anarchique, l’urbanisme mène au chaos mental. Quel exemple esthétique donner aux jeunes générations déboussolées? D’ailleurs l’aberration n’est pas seulement psychologique. Elle est aussi économique puisque le Fonds monétaire international vient de décerner des mauvais points à la Suisse. Ce pays risque l’implosion immobilière! Un krach, tout simplement.

On détruit, on construit, mais pour qui et pour quoi? A Lausanne, la recherche d’appartements s’avère toujours aussi problématique. Cherchez l’erreur! Remarquez, cette ville entretient une tradition dans l’horreur architecturale. Le poète Charles-François Landry n’écrivait-il pas dans les années trente à ses « Souverains Seigneurs de Lausanne »? Il déplorait l’atteinte au goût dont pâtit la métropole lémanique, animée par une véritable rage de raser les espaces verts. « Il suffit d’être arbre à Lausanne pour être malade », observait-il avec ironie. Son contemporain Ramuz n’était pas plus tolérant avec des édiles dont il déplorait la mentalité à la petite semaine. « C’est qu’un homme a manqué. Il n’a pas été là quand il aurait dû être là (…) Il semble bien que notre système démocratique ne puisse produire, ou du moins porter au pouvoir, que des hommes ‘moyens’, étant le régime de la moyenne; et l’homme moyen ne peut résoudre que les problèmes moyens ». Ces lignes paraissaient en 1930 dans sa revue «Aujourd’hui» sous le titre « Une ville qui a mal tourné ». Que dirait-il en 2019?

Christian Campiche

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