La Suisse propre en ordre et le développement durable


A coup sûr le dernier rapport de la Fondation Bertelsmann sur le développement durable ne va pas inspirer les orateurs du 1er août. En plaçant la Suisse en tête de classement des 193 pays membres de l’ONU au titre de l’impact négatif de ses politiques sur d’autres pays, il casse une image de propre en ordre que nous nous complaisons à cultiver. Mais qui en Suisse en a pris connaissance? Seul le site Infosperber en a parlé.

Depuis 2016, la Fondation Bertelsmann et le Sustainable Development Solutions Network observent chaque année le degré d’avancement des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2005 à l’unanimité des membres de l’ONU. Leur dernier rapport montre que de petits pays riches et fortement intégrés dans le commerce international, comme la Suisse, Singapour, le Luxembourg et les Emirats arabes unis, génèrent d’importants effets négatifs pour d’autres pays, affaiblissant la capacité de ces derniers à réaliser ces objectifs. 

C’est là la conséquence d’une interdépendance croissante: les actions d’un pays X en matière environnementale, économique, financière ou de sécurité peuvent avoir des effets positifs comme négatifs sur d’autres pays.

Prenons l’exemple du commerce des armes. L’exportation d’armement contribue à enrichir le pays exportateur qui pourra consacrer ses ressources à l’amélioration de son système éducatif, de son réseau de soins et développer ses prestations sociales. S’il réalise ainsi ses objectifs internes de développement durable, il contribue par contre à la déstabilisation de certaines régions de la planète et à l’affaiblissement de leur sécurité, affaiblissant ainsi un autre ODD, la sécurité. A l’inverse un pays Y s’engageant dans des actions de maintien de la paix contribue à améliorer la sécurité d’une région.

Dans ce jeu à somme nulle – ce que l’un gagne l’autre le perd –, la Suisse se distingue particulièrement par sa politique fiscale. A la pointe en matière de concurrence fiscale, elle s’assure certes des ressources utiles pour la réalisation de ses ODD. Mais dans le même temps, elle prive d’autres pays, en particulier dans le tiers-monde, des revenus indispensables à l’amélioration de la santé publique et de la formation par exemple.

La Suisse impose sur son territoire des conditions de travail et des niveaux de salaire décents, même s’ils pourraient être améliorés. De même elle exige des mesures de protection de l’environnement relativement sévères à l’égard des entreprises produisant sur son sol. Par contre elle ne se préoccupe pas des conditions sociales et environnementales de ses entreprises réalisant leurs profits à l’étranger.

C’est précisément à cette contradiction que veut mettre fin l’initiative populaire «Entreprises responsables. Pour protéger l’être humain et l’environnement». Initiative rejetée aussi bien par le Conseil fédéral que par le Parlement. Alors que le Conseil des Etats refuse même l’idée d’un contre-projet, le Conseil national y tient. Cette valse-hésitation montre que la Suisse ne prend pas vraiment au sérieux les ODD. Ces objectifs ont pour vocation de parvenir à un développement durable de tous les pays et non de permettre à certains d’entre eux de tirer leur épingle du jeu au détriment des autres.

A noter que richesse, dimension restreinte et ouverture aux échanges ne condamnent pas un pays à vivre aux dépens des autres. La Suède, le Danemark et la Finlande figurent en tête des pays dont les politiques induisent le moins d’effets négatifs sur le reste du monde. C’est la volonté politique qui fait la différence.

Jean-Daniel Delley

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