République bananière


Dans son livre à charge «Une conseillère d’Etat ne devrait pas dire ça» (Editions Attinger, 2019), Fabien Dunand s’en prend à Jacqueline de Quattro. Et le moins que l’on puisse dire est que l’ancien rédacteur en chef de «24 Heures» ne rate pas sa cible. Près de 200 pages consacrées à une critique minutieuse et documentée de la gouvernance d’une politicienne qui convoite le Conseil national! Une affaire très valdo-vaudoise? Pas tellement, tout compte fait. Cet exercice très inédit dans la sage Helvétie permet à l’auteur de revenir sur d’autres affaires qui ont défrayé la chronique romande au cours des dernières années. A Neuchâtel, Lausanne, Vevey, Fribourg ou Genève, les électeurs ont été «gâtés» par certains de leurs élus. Avec ce dénominateur commun, relevé par Dunand: «Le rôle du mensonge ordinaire, considéré comme une composante banale de la vie politique (…) Quand l’autorité ment pour avoir raison contre le citoyen, elle est dépourvue de toute légitimité». 

Ainsi formulé, le constat aboutit à s’interroger sur la démocratie. Ce pays peut-il encore revendiquer la bouche en cœur l’appartenance à un système qu’il a porté aux nues en s’affirmant comme l’un de ses plus fidèles serviteurs? Nous ne aventurerons pas à élargir la question à la Suisse alémanique. En Suisse romande, par contre, la réponse est carrément: non. Osons même aller plus loin. Dire que cette région est devenue une république bananière ne relève plus de l’incongruité malveillante. L’affirmation est une évidence. Et ce n’est pas la situation en Valais qui nous amènera à prétendre le contraire. Nous commencerons à changer d’avis le jour où le président du FC Sion n’interdira plus l’accès aux vestiaires à la rédaction du quotidien local, uniquement parce que les comptes-rendus des matches ne reflètent pas la vision du calife.

La situation romande a toutefois le mérite d’évoluer en dehors de toute hypocrisie. Car les Etats où la démocratie se pratique de manière exemplaire se compteront bientôt sur les doigts de la main. Pour qui roulent encore les politiciens? Le peuple ou l’oligarchie économique et financière? «Trump seul contre tous», titre le journaliste américain Michael Wolf dans un bestseller récent. Le président américain a fait le vide autour de lui, nul ne le conteste. Mais le livre ne fait aucune allusion aux milieux industriels que le magnat de l’immobilier représente. Dans l’ombre de la Maison Blanche, gravitent les ténors de l’industrie de l’armement, les majors du pétrole. Dans cette configuration, Trump n’est pas seul du tout. Parce que ces milieux dictent leurs quatre volontés à l’homme le plus puissant de la planète, parce qu’ils on fait beaucoup d’argent grâce à lui, ils l’assurent de leur soutien indéfectible. 

A sa petite échelle, sans structure militaro-industrielle comparable, la Suisse romande ressemble à un Mickey. Mais, dans le fond, sa démocratie fonctionne-t-elle différemment? 

Christian Campiche


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