KO debout


« Game over ». De la gauche à la droite sur l’échiquier politique, les sourires des caciques sur les affiches électorales réduites à l’état de reliques sentent la gueule de bois.

Le coup de torchon du 20 octobre 2019 laisse KO debout les formations politiques gouvernementales, particulièrement le PS. En soulignant son affinité intellectuelle avec le mouvement vert, la formation rose tente la pirouette mais l’échec est patent. Le triomphe écologiste lui enlève le monopole de la modernité, ce concept de civilisation hérité des Lumières.

Passé l’effet de surprise, il devient évident au fil des heures que les verts méritent une place au Conseil fédéral. Logiquement ce serait au PDC, qu’ils dépassent désormais en nombre de sièges, de leur céder la place. Mais, le parti catholique revendique un pourcentage stable d’électeurs. Fort de son rôle de pivot au centre de la constellation, il conteste une défaite dans les urnes. Dès lors les regards devraient se tourner vers le PLR, lequel ne devance les verts que d’un petit fauteuil. Scandale! Le PLR est le relais de l’économie et de la finance, on ne touche pas à l’essence du bonheur suisse.

Jusqu’ici, les commentaires ont fait l’impasse sur les conséquences économiques du résultat de ces élections fédérales. On peut s’étonner de cette lacune médiatique dans un pays connu pour les liens étroits que la politique entretient avec l’industrie. Dans une civilisation où les slogans consuméristes règnent en maître, les verts sauront-ils opposer un front commun aux rouleaux compresseurs de la chimie, de l’alimentation et de la grande distribution? Enjeu majeur de la lutte contre les dérèglements climatiques, la paysannerie, traditionnellement conservatrice, collaborera-t-elle avec eux? La gauche du mouvement écologiste ne sait même pas si elle pourra compter sur les verts libéraux, les autres gagnants du 20 octobre. Lesquels pourraient rejoindre au contraire les intérêts de la droite lors des votes sur des objets non énergétiques.

Il serait temps d’engager une véritable réflexion de fond sur le sens de la croissance. Définir un nouveau contrat de société, comme le prônait déjà notre journal dès sa création, en 2003. Pour autant, la lutte contre les nuisances, l’introduction de taxes dissuasives, la bifurcation vers des productions propres mais cannibales en matière d’emploi peut-elle s’accommoder du risque d’accroître la précarité parmi les salariés et les personnes âgées? Sans la participation des autres acteurs politiques et de l’ensemble de la population, les verts ne parviendront pas à l’élaboration d’un tel chantier. D’autant que la préoccupation climatique ne s’arrête pas aux frontières, la Suisse ne saurait faire cavalier seul. Une concertation européenne est indispensable.

Lors de la campagne électorale, le peuple suisse a été fortement conditionné par le thème climatique. Confirmera-t-il ses options écolos lors des votations fédérales qui s’annoncent toujours plus nombreuses sur des objets que les médias n’ont pas placé à la une des objectifs de la prochaine législature? Les prochains débats au parlement, dans sa nouvelle mouture, donneront une indication sur le rapport des forces réel et la volonté des vainqueurs de ne pas terminer comme une parenthèse dans l’histoire.

Christian Campiche

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