Chronique d’Ales – Coup de sac chez Calvin


Les Genevois ont une réputation bien établie : des protestants cul pincés, propres sur eux et qui aiment le fric. Selon un diction populaire dans la cité de Calvin, les régisseurs immobiliers vont prier à la cathédrale, le dimanche : »Dieu soit loué…et mes appartements aussi ! » Et les dames de la bonne société genevoise vous offrent le café en proposant : « un demi-sucre ou pas du tout ». Et les Genevois sont fiers de vous montrer, dans la salle du gouvernement, la fresque des juges aux mains coupées. Pourquoi, pour ne pas être corrompus !

Bon, mais tout ça, comme on dit : c’était avant ! Avant quoi ? Avant le coup de sac du Conseil administratif, le gouvernement de la ville. Sur les cinq membres, quatre ne se représentent pas aux prochaines élections. Ils ont bien le droit de souffler un peu, après des années à défendre les intérêts de la cité de Calvin. Racontez ça à vos amis genevois, et vous les entendrez ricaner.  Au gouvernement de Genève, c’est le grand ménage. Mais qu’est-ce qu’il a bien pu se passer dans ce temple de la finance, ce berceau de la Croix-Rouge, pour que le printemps genevois déboulonne ces magistrats comme de vulgaires potentats arabes ? De bleu de bleu, c’est le pognon, gnôlu, comme on dit dans ma ville natale, !

Le fringant représentant de la démocratie chrétienne, l’ambitieux Guillaume Barrazone, a dû dégager en vitesse. Ce beau et brillant juriste, parlementaire fédéral, a dû renoncer à se représenter et à dû faire son mea culpa. Selon la Cour des comptes, il a largement puisé dans l’argent public pour se faire rembourser ses frais  de taxi et de téléphone et ses achats d’alcool. La justice l’accuse de « gestion déloyale des intérêts publics »“Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite“. C’est dans la Bible. Il avait aussi fait régler par un ami avocat son voyage à Abu Dhabi pour assister au Grand Prix de Formule 1. Si on n’a plus le droit d’aimer les vroom-vroom !

Son collègue d’Ensemble à gauche, l’ancien syndicaliste de choc, Rémy Pagani, a vidé son bureau. Lui aussi a un peu tripoté l’argent public et un peu forcé sur les notes de frais . La vie de magistrat est dure, alors autant se faire un petit plaisir de temps en temps. Il a aussi créé la fondation « Genève, cité de refuge » pour accueillir les réfugiés, avec l’argent public, sans demander l’avis du Parlement local. Coup de bol, le militant de gauche a trouvé un banquier compatissant pour racheter le capital de sa fondation. 

La socialiste Sandrine Salerno, plusieurs fois maire de Genève et ministre des finances, féministe de combat, qui prétendait siéger en même temps au gouvernement et au parlement, a fait financer par le contribuable ses activités de militante. Plutôt se retirer sous sa tente que de recevoir une baffe politique ! Et sa collègue verte, Esther Adler, a elle aussi un peu forcé sur ses frais de taxi. Alors qu’elle bénéficie d’un abonnement aux transports publics et au train et qu’elle peut demander à être voiturée par un chauffeur du gouvernement. Ses aimables collègues ont soutenu leur magistrate : « Ce n’est pas parce qu’on est écolo qu’on doit tout le temps être à pied ». Comme disait le duc de Savoie après le désastre de sa tentative de prendre Genève, en 1602 : « Quelle belle cacade ». Après ce naufrage politique, il n’y a qu’un survivant le socialiste Sami Kanaan.

Alors bien sûr, à l’approche des élections municipales de mars, le fumet du pouvoir enivre les partis genevois. Les candidates et les candidats piaffent déjà dans les starting-blocks. A droite, c’est la soupe à la grimace : la belle entente traditionnelle a volé en éclat. A gauche, les socialistes lancent leurs poulains. A l’extrême-gauche, comme d’habitude, on se tire dans les pattes. Seuls les Verts se sentent pousser des ailes. Et les augures prévoient même une Genève gouvernée à gauche toute ! Un frisson d’angoisse secoue la bourgeoisie de la rue des Granges, la Chambre de commerce et la discrète finance internationale. Une Genève rouge-verte, pas bon pour les affaires!  Et  les habitants de la cité de Calvin, qu’est-ce qu’ils pensent de tout ça? 40% sont étrangers et n’ont, en général, pas le droit de vote, sur le plan fédéral et cantonal. Depuis quinze ans, les étrangers vivant à Genève depuis 8 ans peuvent élire leur maire. Et les vrais Suisses, qu’est-ce qu’ils font le jour des élections? Deux sur trois préfèrent le foot ou la pêche à la ligne. Le sort des « princes qui les gouvernent »? Comme dit le proverbe : « Genevois, quand je te vois, rien je ne vois ». 

Marc Schindler

Photo le Médusé, janvier 2020.

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