Pédophilie, l’omerta en noir et blanc


Les soutanes et les blouses blanches partagent une même passion pour l’omerta sur la pédophilie. On n’en parle pas, on ne dénonce pas les coupables, on les change de poste ou on les met en garde avant de les laisser poursuivre leurs crimes.

A chaque jour, son scandale : le cardinal Barbarin était accusé de ne pas avoir dénoncé un prêtre coupable d’abus sexuels. Le saint homme avait déclaré : « Dieu merci, les faits sont prescrits ». La justice l’a relaxé et le pape a fini par accepter sa démission. En Suisse, l’évêque Charles Morerod est accusé d’avoir couvert les abus sexuels d’un des prêtres de son diocèse. A la TV, il botte en touche : « Si vous savez quelque chose, dites-le à la police, pas à moi ». L’an dernier, deux prêtres valaisans qui avaient commis des abus sur des mineurs n’ont pas été défroqués. « Les sanctions doivent être proportionnées », a tranché leur évêque. En France, un médecin a été suspendu par la direction de l’hôpital où il exerçait. Il avait été condamné il y a a douze ans pour « détention et diffusion d’images pédopornographiques ». Son collègue chirurgien dans le même hôpital est accusé d’actes pédophiles contre 349 patients. Lui aussi avait été condamné il y a quinze ans avec sursis pour le même délit. Pendant des années, l’excellent chirurgien avait commis des agressions sexuelles et des viols. Il avait même constitué des fichiers de centaines de milliers de photos et de videos pornographiques.

A chaque fois, on découvre que dans l’Eglise catholique comme à l’hôpital, on savait. Des plaintes avaient été déposées, toutes classées sans suite. L’Ordre des médecins était au courant des condamnations, il les avait transmises aux autorités de santé. Pas de réponse ! Et la justice ? Le président des blouses blanches esquive : « Le médecin était condamné avec du sursis, sans obligation de soins, suivi psychologique ni interdiction d’exercice ». Et voilà pourquoi ces excellents médecins et ces sympathiques prêtres continuent impunément à abuser les enfants que les parents leur confient !

Ah, les saints hommes d’église, ah, les magnanimes médecins ! Dénoncer les brebis galeuses au sein du troupeau, les empêcher de détruire des vies innocentes ? Bien sûr, mais ce sont, par ailleurs, d’excellents bergers, de magnifiques praticiens ! Et tout péché mérite miséricorde ! Surtout, pas de scandale, cela mettrait à mal l’image de l’Eglise et le prestige de la blouse blanche. Les évêques français ont décidé, il y a dix-huit ans de réagir : « Lorsque quelqu’un a connaissance d’atteintes sexuelles sur des mineurs de moins de 15 ans, il doit en informer la justice. La dénonciation s’impose ». Le problème, c’est que cette décision vertueuse, c’est comme le code de la route : tout le monde le connaît, mais certains ont du mal à le respecter !

Quant à l’Ordre des médecins, il est « au service des médecins dans l’intérêt des patients ». Il affirme les grands principes éthiques de la profession et peut sanctionner les praticiens défaillants. Pas trop souvent, selon la Cour des Comptes : « de nombreux cas de médecins ayant fait l’objet de plaintes , condamnés au pénal ou placés sous contrôle judiciaire pour des faits en lien avec leur exercice, mais qui n’ont fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire ». Comme le dit la sagesse populaire : « Les loups ne se mangent pas entre eux ».

Les plaintes des victimes des prêtres et des médecins pédophiles secouent les vénérables institutions. Mais la loi du silence impose que « quand on voit un crime, on ne le répète pas, on ne réagit pas, mais on laisse passer le temps ». Ordre et obéissance sont les vertus cardinales du caducée et du goupillon.

Marc Schindler

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