Coronavirus, des limites de l’autoritarisme


Le coronavirus de Wuhan fait passer une vague d’angoisse sur le monde. Face à nos peurs, nous en venons à désirer des mesures fermes et énergiques. Le gouvernement chinois nous donne ce que nous réclamons : confinement de villes entières, surveillance de chaque citoyen susceptible d’être entré en contact avec le virus, contrôles partout, discipline, autorité, rigueur.Cette attitude impressionne les Européens un peu mous et libéraux que nous sommes. Elle nous contente, elle nous rassure. Ce régime d’ordre, mobilisé jusqu’au dernier fonctionnaire pour lutter contre le fléau qui met en difficulté l’économie mondiale contraste avec l’apparence de désinvolture qui caractérise certains pays.

Avons-nous raison d’être si admiratifs ? Sommes-nous logiques lorsque nous envions aux régimes autoritaires ce genre de déploiement de force ? Peut-être pas.

Examinons ce qui s’est passé au début de l’épidémie de Covid-19 (nom de la maladie), dans la ville de Wuhan, en Chine, dans le courant des mois de décembre et de janvier. Début décembre 2019, à Wuhan, ville de 11 millions d’habitants, apparaît une série de cas pathologiques sérieux qui attire l’attention du corps médical. Après diverses analyses, les médecins locaux, le 21 décembre,constatent qu’ils ne parviennent pas à identifier l’agent pathogène, et qu’il peut s’agir d’un danger sérieux. D’autant que les personnes examinées sont les cas graves, et que d’autres cas, légers, doivent exister en ville, et donc répandre librement cet agent infectieux dans la population. Le 31 décembre la réalité leur apparaît : ce virus est nouveau (SARS-CoV-2). Ces médecins tentent d’alerter les autorités. Celles-ci réagissent de manière énergique : le 1e janvier, le réseau social WeChat censure les conversations ayant l’épidémie naissante pour objet. Le groupe de médecins de Wuhan qui a tenté de donner l’alarme est inquiété et surveillé par la police.Le 9 janvier, un premier décès survient. Le gouverneur de Wuhan, néanmoins, soucieux de la bonne marche des affaires dans sa ville, autorise un banquet 40 000 couverts le 19 janvier. Des dizaines de milliers de personnes quittent ou gagnent la ville chaque jour. Le 22 janvier, l’État central, à Pékin se rend compte du danger que cette épidémie en expansion représente pour le pays : les ordres fusent enfin. Le 23, la ville de Wuhan, toute entière, est mise en quarantaine, isolée du reste du monde. Il est trop tard : le virus se répand déjà un peu partout en Chine avec les voyageurs ayant quitté la cité avant l’instauration du blocus. Ne reste plus, alors, qu’à pourchasser la petite bête partout où elle se balade, se reproduisant autant qu’elle le peut avec l’aide involontaire des citoyens chinois… puis de ceux du reste du monde.

Conclusion : l’État chinois a réagi avec un mois de retard sur l’évolution de la situation. Face à un adversaire aussi implacable qu’un virus à diffusion aérosol, en plein hiver, une telle lenteur pardonne rarement. Résultat : l’économie du pays est à terre, celle du reste du monde ploie, les usines s’arrêtent, les bourses mondiales sont dans le rouge, et des milliards disparaissent chaque jour en fumée.

Une société plus ouverte aurait écouté les huit médecins de Wuhan, elle aurait compris leur inquiétude. La presse, au lieu de menacer les lanceurs d’alerte, aurait alerté les autorités et la population. Des mesures de sûretés auraient été prises rapidement. Des enquêtes auraient permis d’isoler les individus infectés. La ville de Wuhan aurait été isolée plus tôt, et le mal ne se serait pas répandu partout.

Nous parlons ici d’un coronavirus, mais l’étude de l’histoire des régimes autoritaires nous enseigne que ces derniers, face à une menace inédite, imprévue, réagissent presque toujours de la même manière : étouffement, censure, puis prise de conscience tardive et sur-réaction. Certains en sont mort.

Bernard Antoine Rouffaer

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