Lettre de Lima – Les peuples indigènes, grands oubliés du Coronavirus


PAR PIERRE ROTTET

Les oubliés du coronavirus! Les peuples indigènes péruviens des régions amazoniennes de l’Ucayali, de Madre de Dios et de Loreto s’étonnent. S’insurgent surtout de ne figurer sur aucun plan gouvernemental. Ceux dont personne ne parle sortent aujourd’hui du bois, inquiets qu’ils sont du danger qu’ils courent, livrés à eux-mêmes, isolés socialement. En danger!

Les peuples indigènes péruviens – dans le cas présent, mais également sur l’ensemble de la vaste Amazonie, brésilienne entre autres -, sont parmi les plus vulnérables face à cette pandémie, ignorés qu’ils sont des statistiques égrenées jour à près jour par les autorités sanitaires péruviennes. Et les médias!

Oubliés de tous! Et surtout du palais présidentiel! Ils sont aujourd’hui privés de la maigre aide financière promise par le président Vizcarra pour les plus démunis – 380 soles, quelque 110 francs – dont beaucoup de citoyens, du reste, sur l’ensemble du pays, ne voient pas la couleur. En l’absence de caméras!

« Nous ne faisons pas partie des programmes sociaux avancés par l’Exécutif, ni des mesures prises pour nous assurer la sécurité alimentaire, s’indigne Jamner Manihuari Curitima, président de la coordination régionale des peuples indigènes de la province de Loreto (Coordinadora Regional de los Pueblos Indígenas – CORPI-SL), dans un entretien accordé au quotidien limeno « La Republica ».

Oubliés… y compris lors du recensement national de 2017 opéré par les autorités péruviennes d’alors, déplore Jamner Manihuari Curitima.

Une situation également dénoncée par son homologue de la vaste région de l’Ucayali. Dans sa déclaration à « La Republica », son témoignage raisonne comme une mise en accusation des autorités, celle d’une lamentable mise à l’écart des peuples indigènes: “Nous sommes toujours aussi invisibles. On vit dans l’exclusion et la discrimination la plus complète ». Sans compter « que nous sommes les plus vulnérables face à n’importe quel type de maladie ». 

Vulnérables? Comme le sont les travailleurs dans les centres urbains. Ils tentent de survivre dans cette autre autre jungle que sont les villes. Avec un patronat qui ressemble à s’y méprendre à tant d’autres homologues dans le monde. Face auxquels les syndicats – ce qu’il en reste après leurs démembrements successifs au fil des gouvernements – ont beau s’élever contre les prétentions de la Confederacion national des Instituciones empresariales privadas, la Confiep. Celle-ci n’en demande pas moins au gouvernement la suspension des impôts et surtout la réduction des salaires et la suspension des vestiges des droits laborieux. 

La préoccupation des milieux des travailleurs est d’autant plus légitime que le président Vizcarra vient d’annoncer que le confinement total et le couvre-feu allaient s’étendre jusqu’au 26 avril, avec des mesures de plus en plus draconiennes. Sans grands effets pourtant sur l’évolution de la pandémie au Pérou.

En attendant, dans certaines chaumières, les soirées se passent avec des souvenirs de football, ceux de l’équipe nationale plus précisément. Une chaîne a commencé au début du confinement par les éliminatoires du Mondial de Russie, en 2018. Elle en est aujourd’hui à ceux du Brésil en 2014. La marge est grande.

Photo Arnaud Sapin: le centre de Lima où le couvre-feu a été prolongé jusqu’au 26 avril. Quand il ne passent pas des heures à faire la file pour obtenir un peu de nourriture, les habitants regardent à la télé les éliminatoires du Mondial de football de 2018.

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