PAR YANN LE HOUELLEUR
Puisque nous vivons des temps d’une telle férocité qui nous incitent à la réflexion mais aussi à la pacification des esprits, j’en appelle au droit de mémoire. Quand un virus « éclate », fait son « œuvre » de destruction, il est « normal » (compte tenu de la complexité du genre humain et des méandres de la pensée) que des coupables et des agents de transmission soient hâtivement désignés et voués aux gémonies.
Sans vouloir faire de parallèles indécents, la pandémie du Covid-19 me fait remémorer des temps assez proches, que beaucoup d’entre nous ont vécus.
A l’époque où la pandémie du Sida battait son plein, j’étais jeune journaliste, en mission au Brésil. Je faisais des reportages – entre autres sujets – sur des maisons d’accueil, certaines tenues par des bénévoles, qui accueillaient des hommes et des femmes meurtris pas un virus alors sans rémission : le HIV. Ils n’étaient plus que des squelettes, yeux encore grands ouverts. Des « réminiscences de chair défigurée » que des âmes bienveillantes aidaient à ouvrir les portes du paradis, car de surcroît ils étaient soupçonnés, par certains, d’être les serviteurs du diable à cause de leur orientation sexuelle.
On se souviendra du scandale du sang contaminé. On n’oubliera pas que des acteurs de ces abominations ont encore une place de choix dans les institutions de la République. En France, oui…
J’étais au Brésil, et en France aussi le spectre du HIV frappait aveuglément et sans pitié. Des dizaines de milliers d’innocents, de toutes races, de toutes confessions, de toutes idéologies, y ont laissé leur peau.
Et « la communauté gay » a pris son destin en main, bravant les politiciens les plus aveugles, les semeurs de préjugés les plus obscènes, et elle s’est organisée avec une décence que personne ne saurait omettre. Des ONG et associations telles qu’Act Up, Aides, etc., ont vu le jour. Certaines associations, notamment Basiliade à Paris et à Lyon, poursuivent le combat. Car même dans l’Hexagone le sida continue à tuer…
Aujourd’hui encore, notamment dans certains pays africains, des gens meurent par milliers du sida. Aujourd’hui encore, même au cœur de « territoires dits perdus » de la République française, des hommes et des femmes n’osent pas dire ce dont ils souffrent.
Nouveau Franc-Parler, Gennevilliers