PAR CHARLOTTE ROBERT
Le 28 avril dernier, la Colombie a rejoint l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), comme 37ème membre et donc comme pays suffisamment riche. Dans son communiqué de presse, l’organisation explique que le processus d’examen de toutes les politiques publiques a duré cinq ans.
Elle soutient qu’«au-delà de ses aspects techniques, le processus d’adhésion a servi à la Colombie de catalyseur pour procéder à d’importantes réformes destinées à améliorer le bien-être de ses citoyens, par exemple à réduire l’activité informelle sur le marché du travail, à améliorer la qualité et la pertinence de l’éducation et de la formation ou encore à assurer la viabilité à long terme du système de santé».
Deux jours plus tard, au matin du 30 avril, le quotidien national El Espectador poussait un cri d’alarme: «si on ne nous aide pas, il y aura une catastrophe dans les Amazonies». C’est là que le taux d’infection au Covid-19 est le plus élevé: pour 100’000 habitants, 80 cas testés positif – en Suisse, ce nombre est de 35.
Comment se fait-il qu’au milieu de la forêt amazonienne, là où l’on recense à peine plus de deux habitants au kilomètre carré, la pandémie frappe si durement?
Amazonas est le département le plus méridional de la Colombie. Comme son nom l’indique, il se trouve dans l’Amazonie au même titre que neuf autres départements qui représentent ensemble les deux tiers de la surface du pays, peut-être plus connu pour ses montagnes.
Décompte glaçant
Le système de santé a été complètement abandonné ces vingt dernières années. Toujours selon El Espectador, qui cite l’épidémiologiste en charge du département Amazonas, il n’y a que 39 médecins généralistes, 2 anesthésistes et 29 infirmières pour 50’000 habitants répartis sur 110’000 km2.
Selon l’Institut national de la santé, la situation requiert 483 places aux soins intensifs: il n’y en a aucune. Dans la capitale du département, Leticia, il y a un seul hôpital public offrant 68 lits, huit pour des soins intermédiaires et huit “ventiladores”. Leticia est un lieu touristique très apprécié mais au-delà de cela, personne au gouvernement ne se préoccupe de cette région.
L’hôpital de la ville gère huit centres de santé: trois sont fermés et les cinq autres ont du personnel mais très peu d’équipements et pas davantage de fournitures.
Aucun des centres gérés par l’hôpital de Puerto Nariño, à une centaine de kilomètres de Leticia, ne fonctionne: l’infrastructure est détériorée, il n’y a pas de personnel, il n’y a ni eau ni électricité. Il y a bien des services de télémédecine – mais sans connexion internet ni électricité, ils ne servent évidemment à rien.
Il fut un temps où tous les villages de plus de cent habitants disposaient d’un établissement de soins. Ceux qui n’ont que mépris pour les autochtones accusent le Brésil et le Pérou. En effet, Leticia, qui se trouve au bord de l’Amazone, est la pointe d’un triangle dont un côté, à l’Est, avoisine le Brésil et l’autre, à l’Ouest, le Pérou. Il faudrait développer une stratégie commune et négocier des accords, disent ceux qui n’ont rien envie de faire et refusent de voir la réalité en face.
Nombre de communautés ne disposent pas de moyens de communication. Pour s’informer, il faut monter dans sa barque et voguer à la recherche d’informations.
C’est donc ce pays à l’arrogance effroyable qui accède à l’OCDE! Impensable de ne pas s’interroger sur la qualité de l’examen mené par le secrétariat de l’organisation et ses membres pour établir «la viabilité à long terme du système de santé» de la Colombie.