Art officiel, culture unique


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Tout à la joie de fêter la fin du confinement culturel après six mois de fermeture, une salle de concert d’Yverdon avait programmé une soirée d’improvisation théâtrale. Salle comble assurée dans le respect des consignes, les billets ont été vendus en quelques heures. Mais patatras, l’événement a dû être annulé car la police du commerce n’a pas donné son feu vert. Motif: les artistes invités ne sont pas des professionnels, ils ne gagnent pas leur vie en jouant sur les planches!

Les organisateurs en restent baba. Ils soulignent qu’ils fournissent des contrats et des cachets aux artistes programmés. “Ce fonctionnement est répandu et demeure le meilleur moyen de soutenir et de promouvoir la scène locale dans un pays, la Suisse, qui ne reconnaît pas de véritable statut à l’artiste”, ajoutent-ils. Dès lors pourquoi cette discrimination? Pourquoi accentuer la précarité d’un milieu déjà tellement éprouvé par les mesures sanitaires?

Art officiel! La réponse figure quelque part en filigrane dans les colonnes et sur les ondes des médias. Là où se pavanent les artistes agréés par les réseaux de la propagande et de la communication. Là où sont présentés des CD et des longs métrages à gros budget. Vantés à grands renforts de visionnage ou de publicité le jour qui précède l’édition dite littéraire et culturelle du week-end. Sans surprise aucune, tous les journaux parlant du même artiste ou du même film, le même jour à la même heure.

Ni curiosité ni découverte. A se demander si les critiques éprouvent un plaisir quelconque dans l’exercice de leur métier. Une situation qui les confronte au monde de la création dont les acteurs pèchent par un manque singulier d’originalité et d’inspiration. Leur vacuité n’a d’égal que leur fatuité dans un confort d’artistes établis, choyés et payés par l’Etat. Ce sont ces fonctionnaires de la culture unique qui ont tiré profit de la Covid, hélas.

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2 commmentaires à “Art officiel, culture unique”

  1. Yannick Le Houelleur 10 mai 2021 at 12:31 #

    Remarquable papier, Christian. Je n’écris pas du tout cela par flatterie. Mais il est rare que des journalistes s’emparent des sujets artistiques sous un tel « angle ». C’est bien la preuve qu’un vrai journaliste tel que toi a exercé son « métier initial » comme un art, un artisan spécialisé dans la broderie minutieuses de faits, se refusant à faire de la dentelle en trompe l’œil.Que semblable « barbarie » de la part de la « police du commerce » ait pu se produire en Suisse : les bras m’en tombent. Nous sommes entrés dans une dictature de l’invraisemblance, où les prétendues forces de l’ordre, trop souvent, sont utilisées pour contribuer à un tri entre les potentiels créateurs dangereux et ceux qui sont adoubés par les tenants de la pensée unique. J’en sais quelque chose puisque pas plus tard qu’hier, dessinant sur une place de Paris, appelée fort joliment « Place des Arts », je me suis presque fait allumer par la police municipale, tout simplement parce que j’avais osé déployer quelques planches semées de dessins à côté de moi. Sans politesse aucune, ces messieurs/dames en uniforme ont cherché à m’inspirer la peur, me demandant : « Vous avez une autorisation ». Même Mme le Maire de Paris, potentielle candidate à l’élection présidentielle en 2021, surfant sur les eaux devenues trouble d’un PS dont la rose s’est fanée, semble détester, en tout cas ignorer, les artistes de rue. Elle ne leur apporte aucun soutien, semble-t-il. Ce sont des gens très dangereux, ces artistes qui se refusent à rentrer dans le rang.
    Pour les spectateurs, mais je caricature tout naturellement, il faut que les artistes soient des perroquets au service du pouvoir qui se pavanent dans certaines émissions de télévision d’un niveau intellectuel lamentable, du genre « Touche pas à mon Poste » sur C8. Ils ont le droit de s’exprimer sur tout et n’importe quoi, ne remettant jamais en cause de manière frontale le système. Quand tu es artiste, il faut défendre ta peau parfois tout seul car tu es aussi méprisé et maltraité par un certain pouvoir que par ceux qu’on appelle « les grand médias » où toutes sortes de prétendus artistes géniaux expriment, en réalité, davantage d’amertume que de joie de créer…
    Alors, bravo pour prendre la défense des authentiques artistes dans cet édito fort clairvoyant…
    Yann (le Franc-Parler)

  2. Heim Laurette 10 mai 2021 at 20:02 #

    …ce n’est pas comme si des artiste AIMERAIENT BIEN pouvoir vivre de leur Art…

    …ou que les artistes reconnus n’avaient pas tiré la langue à leurs début et fait toutes sortes de travaux alimentaires…

    …ou encore que les mêmes aujourd’hui reconnus – enfin avant le covid – galèrent comme des bêtes et DOIVENT ne pas pratiquer leur Art, DOIVENT faire d’autres jobs, s’ils en trouvent, voire même songent à arrêter leur métier artistique…

    P.S. il est arrivé, sur Fribourg, la même chose au Quatuor Laqué – chanteurs qui sévissent sur les planches depuis 1999 !

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