Necker et le foot


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

A Bucarest, ce 28 juin 2021, il a suffi d’un pénalty raté de l’attaquant français Mbappé pour réjouir tout un pays. Jamais la Suisse ne s’était qualifiée pour des quarts de finale d’un championnat d’Europe de football! Contre la France, de surcroît, l’une des favorites! Et de quelle manière !

Courage et panache, telles furent les vertus du onze helvétique. Effacée, l’humiliation subie contre l’Italie à Rome, une défaite 3-0, un match où les joueurs à la croix blanche ont été complètement dépassés. « Cette équipe est faite de bric et de broc, des mercenaires qui ne savent même pas chanter l’hymne de la Suisse ! », entendit-on glapir au lendemain de la défaite. Les commentaires stigmatisaient un manque d’âme, un déficit patriotique. Et revinrent à la mémoire des Suisses les vieux démons, le complexe du perdant.

Car la Suisse et le sport, c’est toute une histoire. Longtemps les habitants de ce pays ont vécu avec l’idée que sport et bien-être matériel n’étaient pas compatibles. Il y eut bien les centaures Koblet et Kübler qui damèrent le pion à Louison Bobet dans les années cinquante. Mais la décennie suivante fut synonyme de traversée du désert. Très peu d’exploits sportifs ne vinrent émailler les grands rendez-vous, toutes compétitions confondues. Au point que les Suisses entretenaient un snobisme à l’envers : le drapeau rouge à croix blanche n’est plus hissé sur les podiums? « Qu’importe, nos médailles, nous les gagnons sur les marchés financiers! ».

La victoire des « p’tits Suisses » contre la France a ravivé le glorieux souvenir des JO d’hiver de Sapporo en 1972, quand le triomphe de Russi bouleversa la donne psychologique. Désormais il fallait compter sur les Suisses dans les compétitions internationales. Entre le Jura et les Alpes, la fierté fit son retour sur le petit écran. En ski, leurs championnes et champions donnèrent le ton pendant plusieurs décennies, avant que le tennis ne prenne le relais avec Hingis et Federer.

Au tour du football aujourd’hui ? L’irruption de la patrie du banquier Necker dans l’élite de ce sport éminemment populaire, si elle ne chamboule pas encore la planète du ballon rond, constitue à coup sûr un événement sociologique digne d’intérêt. Eliminée avec les honneurs en quarts contre l’Espagne lors du dernier euro, la Suisse aura l’occasion de confirmer sa valeur lors des éliminatoires pour le mondial, qui commencent en septembre déjà. Avec ou sans son entraîneur Vladimir Petković, convoité par une équipe française. Si la Suisse se qualifie – ce serait la cinquième fois depuis 1994 ! – nul doute que ses ambitions seront décuplées au Qatar, l’an prochain. Les climatiseurs de l’émir n’empêcheront pas ses adversaires d’avoir chaud, très chaud.

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