Illusions en Rafale


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Les sponsors de la Coupe du monde de football peuvent dormir sur leurs deux oreilles: des canons antiaériens suisses protègeront les stades du Qatar l’an prochain. L’opulent émirat pétrolier fait bien les choses. Il doit surtout se féliciter, tous les jours qu’Allah fait, d’être une aussi juteuse destination pour les fabricants d’armes, tous pays confondus. Sans ce sésame, aurait-il obtenu le jackpot de l’organisation de la grande fête du ballon rond?

Dans le trio de tête des exportateurs d’armes, la France aurait bien aimé que certains Etats dont elle est l’amie sur le papier fassent preuve de la même fidélité que son meilleur client, le Qatar, justement. Au lieu de cela Paris est entré dans un cortège de pleureuses, confronté au régime de la douche écossaise. Le 30 juin dernier, c’était à la ministre de la Défense helvétique Amherd d’ouvrir les hostilités en mettant fin à un long suspense: la Suisse se dotera du F-35 américain. Mais à cette douche froide succédait, deux mois plus tard, un succès pour l’avionneur Dassault. La Grèce confirmait l’achat de nouveaux Rafale, ce qui permettait à Mme Parly, la ministre des armées française de qualifier la décision hellène d’ «excellente nouvelle» tout en sabrant le champagne.

La gaufrette grecque aurait dû aider Paris à oublier l’indigeste cervelas suisse. Après tout les auspices ne sont-ils pas favorables? Si vous écoutez la grande prêtresse de la Commission européenne, elle vous dira que la compétitivité européenne n’a rien à envier au dynamisme asiatique ou étasunien! Des déclarations tombées comme des cheveux sur la soupe à la lumière des derniers événements, dont le moindre n’est pas la monumentale claque infligée à l’Elysée par les ténors du Commonwealth dans l’affaire des sous-marins destinés à l’Australie. Cette flotte ne sera pas construite en France, comme semblaient l’attester des promesses de contrats, mais aux Etats-Unis. Vert de rage, Emmanuel Macron rumine sa vengeance, oubliant la relativité de mesures éventuelles de représailles. Jusqu’à nouvel ordre, la France reste partie prenante dans l’OTAN, ce « grand machin » imaginé par Washington au lendemain de la guerre.

L’île suisse est, elle, plus vulnérable, en revanche. Accusées d’avoir mis en place un réseau favorisant l’évasion fiscale, ses banques ont bénéficié jusqu’ici d’une relative clémence de la justice française dans l’attente du verdict concernant l’avion de combat. Elles ne sont donc pas vraiment sorties de l’auberge. Un signe négatif est le report à des jours meilleurs du voyage que le président Parmelin devait entreprendre à Paris avant la fin de l’année.

La chose triste dans cette histoire est l’absence de tout débat sur la course aux armements, qui atteint des niveaux inégalés. Il faut maintenir des places de travail, n’est-ce pas? En tout état de cause cette folle fuite en avant relègue au rayon des bisounours les procès-verbaux des conférences sur le climat. Comment croire à la sincérité environnementale de dirigeants dont l’obsession reste le déploiement et le renforcement de la force militaire nationale? A l’aune des contrats conclus avec les fabricants d’engins de destruction, la sauvegarde de la planète apparaît comme un objectif dérisoire, appartenant plus que jamais au domaine des illusions.

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