Davos et le puck


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Les médias seront-ils moins zélés cette année dans leur couverture du Forum de Davos? On peut l’espérer mais rien n’est moins sûr.

En termes de retentissement, l’organisation que désigne le ridicule acronyme WEF a laissé des plumes pendant les années Covid. Les rendez-vous au coin du feu d’un 5 étoiles ont été différés à deux reprises. Dénaturés lors d’une délocalisation à Singapour. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Les grands ordonnateurs de la gouvernance roulent aussi pour leur image de démiurges. Il importe pour eux que les Etats sachent qui dirige le monde. Pas question de laisser flotter le doute, vite, revenons aux affaires! Et dire que les gens censés se félicitaient de cette éclipse: enfin un effet collatéral positif de la crise sanitaire!

Le forum revient dans les Alpes suisses sans avoir touché le puck, une fois de plus, en matière d’anticipation des grands événements mondiaux. La guerre en Ukraine, qui en parlait lors de la précédente édition helvétique, en 2020? Les participants de Moscou trinquaient avec ceux de Pékin sous l’œil débonnaire des dirigeants des groupes technologiques américains. Aujourd’hui, Russes et Chinois brillent par leur absence, exclus ou confinés. La moitié du monde n’est plus à Davos mais cela n’empêche pas le grand prêtre du WEF de prétendre que cette édition sera la plus importante jamais organisée.

La guerre en Europe explique bien sûr cette emphase. Par écran interposé, le comédien qui dirige l’Ukraine ouvrira les feux lundi 23 mai, laissant ensuite les débats gambader sans état d’âme du changement climatique à la flambée des prix de l’énergie, en passant par les craintes de crise alimentaire mondiale, les inégalités entre les sexes, le football ou le métavers. Une singulière programmation qui tient davantage de l’aimable diversion que d’un souci réel de trouver des solutions à l’accroissement des inégalités et au délitement du corps social qui en résulte. Davos, c’est d’abord une entité privée très rentable, fonctionnant selon le modèle du club d’initiés. Ce qui n’empêche pas l’Etat suisse d’engager la troupe afin de soutenir une manifestation qui lui permet de garder l’illusion de compter dans le grand carrousel diplomatique.

Davos-la-combine, Davos-le-mirage. Il y a tout à parier que les médias tomberont une nouvelle fois dans le panneau.

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6 commmentaires à “Davos et le puck”

  1. Martin de Waziers 23 mai 2022 at 04:51 #

    Merci pour ces fins mots sur Davos, malheureusement pas, comme on pouvait l’espérer, le fin mot de cette histoire ! Les media publics ne tombent pas dans le panneau… ils sont subventionnés, manipulés et conformistes. D’ailleurs, il suffit d’en prendre deux ou trois de la même journée et l’on a les mêmes histoires avec les mêmes mots. Vivent les indépendants !

  2. Dominique Postel 23 mai 2022 at 09:11 #

    Dramatique de voir à quel point les médias subventionnés ne font pas leur travail et avec notre argent en plus !!!
    Mais Soulagement de voir qu’ il y a quand même des médias libres, qui ont gardé leur bon sens et leur honnêteté et qui nous aident à ne pas voir Tout Noir dans cette période si inhumaine!!
    Merci Christian Campiche et Toute l’équipe !!
    Vous nous rendez la Confiance en l’Humanité avec un grand H

  3. Yannick Le Houelleur 23 mai 2022 at 09:50 #

    Notre ami Martin de Waziers a terriblement raison, tout comme vous, Christian Campiche. Les sujets ne choisissent plus leurs médias, lesquels multiplient leurs tentacules sur tous les supports et cherchent ainsi à obtenir l’absolu monopole de la parole. Ce sont les médias, en effet, qui choisissent leurs sujets en fonction de considérations dénuées de toute considération quant à la liberté de penser. Prenons un exemple : quand Monsieur Macron veut annoncer un « grand projet » ou se promouvoir, il cible la presse régionale dont il sait qu’elle est contrôlée en majorité par des industriels et des conglomérats bancaires. Ainsi ne se fait-il pas rabrouer par des journalistes aux ordres dont la hiérarchie fréquente le gratin des affaires lors de dîners tels que ceux organisés (une fois par mois) par le club Le Siècle à Paris. On en arrive ainsi à pratiquer l’échangisme médiatico-économique. Par ailleurs, ce même « président monarque » est en train de …déconstruire le service audiovisuel public dont il est allé jusqu’à dire que c’était « la honte de la République ». Pendant son premier mandat, les magazines d’investigations se sont réduits telle une peau de chagrin. Pendant son second mandat, il aspire à supprimer, tout un symbole, la redevance audiovisuelle. Et nos lecteurs savent-ils pourquoi les grands titres de la presse quotidienne tout comme les « news magazines » sont sous la coupe désormais de grands capitaines d’industrie n’agissant nullement tels des mécènes ? Et bien parce qu’il s’agit non seulement de tuer dans l’œuf les enquêtes trop compromettantes mais aussi d’empêcher que des spécialistes de l’économie ne mettent leurs trop grands pieds dans des sujets pouvant affecter le cours en bourse des industriels et investisseurs contrôlant ces médias? Vincent Bolloré, Xavier Niel, la dynastie Dassault, Patrick Drahi, etc. Ainsi le pouvoir assèche-t-il l’information en raison de ses relations incestueuses avec le monde du business et du CAC40. De la sorte, l’édito médusien au sommaire cette semaine prend tout son sens !!! Bravo pour votre clairvoyance, Christian !

  4. Geneviève Delaunay 24 mai 2022 at 08:10 #

    Editorial lucide et intelligent.

  5. Manuela Adami 24 mai 2022 at 14:50 #

    Il y a eu tout de même beaucoup de chamboulements depuis cette fin février, j’ai l’impression que nous revenons à un monde qu’on espérait révolu depuis la chute du mur, mais en pire, puisque la population mondiale, entre-temps, a presque doublé et que « l’intelligence » artificielle s’est fortement développée.
    Allons-nous vers une forme de féodalité moderne, en dépendant de plus en plus des philanthropes, dont les Etats semblent devenir les laquais, spécialement sous nos démocraties, les dictatures, elles, n’ayant pas besoin de ces subterfuges… Est-ce à cela que sert le Word Economic Forum de Davos en organisant ces rencontres entre multimilliardaires et chefs d’Etat?

  6. Christian Campiche 1 juin 2022 at 10:57 #

    Klaus J. Stöhlker n’a pas raté un seul Davos à l’époque où il faisait la pluie et le beau temps dans le monde alémanique de la com’. Dans la “Weltwoche”, il livre un regard décapant sur ce qu’il considère aujourd’hui comme un rendez-vous de losers.
    https://weltwoche.ch/story/der-gute-mensch-von-davos/

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